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5 min de lecture
Une cellule au sein de la prison de Bois d'Arcy
Crédit : Yaël Braun-Pivet
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970 détenus sont incarcérés ici, et la journée commence en les
comptant. Il est 7 heures du matin, une surveillante s'arrête devant chaque
cellule, l’œil collé à la porte. Une grille a été ajoutée depuis qu'un détenu
a jeté de l'eau de javel à travers l’œilleton. Son travail : vérifier que les
détenus sont bien présents et vivants.
Nous sommes dans le Grand quartier. Il faut imaginer une immense
cage de métal et au centre, une tour qui permet de voir un peu partout, avec à
chaque étage une plateforme. C'est là que travaille celui que l'on appelle
"le noyau", le surveillant qui a la main sur tous les accès de la
prison. "Le noyau, c'est les yeux de la détention,
toute la sécurité est basée sur lui, c'est lui qui donnera l'alerte en cas de
difficulté pour un collègue sur une coursive", explique une surveillante.
La prison a été construite à la fin des années 70. À l'époque, la maison d'arrêt était prévue pour accueillir 500 détenus. Ils sont le double aujourd'hui. Quasiment toutes les cellules ont donc été équipées d'un lit superposé. 9 m2 à deux, à trois même dans une cinquantaine de cellules. À l’intérieur, collé contre le mur sur une petite table, une casserole remplie de sable posée sur des boites de Ricoré fait office de plaque chauffante, grâce à des "toto", des thermoplongeurs.
La casserole faisant office de plaque chauffante.
Crédit : Yaël Braun-Pivet
La députée Yaël Braun-Pivet fronce les sourcils: "Ce n'est pas dangereux ?", demande-t-elle. "Un petit peu", reconnaît Alexandre Hervy, le directeur adjoint de la prison. "Le problème de Bois d'Arcy, c'est que la structure électrique est trop vétuste pour que l'on mette en place des frigos et des plaques chauffantes...", poursuit-il.
Des travaux de 11 millions d'euros sont prévus pour rénover totalement le système d'ici 2021. À la place des frigos, les détenus utilisent des glacières qui ne sont pas pensées pour fonctionner si longtemps et cessent de fonctionner au bout de quelques mois. La direction a donc encouragé un projet interne : celui de deux détenus ingénieurs, qui ont réussi à trouver comment réparer ces glacières, après plusieurs semaines d'études. L'atelier "Bois d'Arcy rénovation" embauche également des détenus pour réparer les meubles de la détention. D'autres ont été employés à repeindre des bureaux.
Ici les douches sont au bout du couloir, accessibles seulement trois fois par
semaine. À travers la fenêtre, on aperçoit les cours de promenade. L'une donne
sur une forêt : c'est de là que sont lancés des objets par dessus le mur
d'enceinte.
"Souvent, ils envoient à la main, ou alors
ils prennent une balle de tennis qu'ils creusent pour mettre les téléphones
portables. Puis ils prennent une raquette, ils envoient, et cela arrive sur la
cour de promenade. Un détenu la ramasse et va la faire remonter en cellule par
"yoyo", des draps enroulés en forme de lasso pour envoyer sur une
autre cellule. Nous avons un important chantier pour remplacer les caillebotis
sur les fenêtres. Tout ce qui est gros téléphone ne passe plus, mais les petits
de la taille d'une clé USB continuent de pouvoir passer, pareil pour le tabac ou
le shit", explique le directeur adjoint.
600 téléphones portables ont été saisis l'an dernier, et ici il
n'y a aucun système de brouillage. Des téléphones fixes seront installés en
cellule d'ici l'année prochaine. En attendant, la direction continue
d'organiser des fouilles très régulières.
La nuit est tombée sur Bois d'Arcy. De l'extérieur, on ne distingue
plus que les lumières oranges des miradors. Le brouhaha des coursives a laissé place au silence. Mais il ne faut pas s'y méprendre prévient le gradé de nuit, tout
peut arriver : "Des feux en cellules, des bagarres, des tentatives de
suicides, il faut garder son calme". Pour prévenir ces suicides, des binômes de soutien ont été mis en
place, avec des détenus "réveillables" à tout instant pour en aider un autre.
Au quatrième étage, c'est l'heure de la "ronde
d'écoute" : le surveillant avance à pas feutrés, l'oreille collée à la
porte de chaque cellule. Il guette les appels à la prière, mais aussi les
discussions au téléphone, tout est consigné dans un rapport, mais sauf urgence,
il faudra attendre le lendemain pour intervenir. Seul le gradé de nuit a en
effet les clés des cellules.
Un air de rap s'échappe d'une coursive, il y a bien quelques cris
mais au final, la nuit a été calme.
L'idée c'est que la prison soit un temps utile
La députée LaREM Yaël Braun-Pivet
Direction les sous-sols de la maison d'arrêt, où des hangars immenses accueillent des formations électricité, de mécanique ou de propreté industrielle. Quelques mètres plus loin, des dizaines de travailleurs fabriquent des emballages d'éponges.
La député questionne, prend des notes: "L'idée c'est que la prison soit un temps utile : pour lutter contre les addictions, pour se former mais aussi pour travailler car le travail c'est aussi des consignes, savoir se comporter en groupe, cela permet aussi de gagner un peu d'argent, d'indemniser aussi les parties civiles, de pouvoir cantiner un peu en détention pour améliorer le quotidien, de soutenir leur famille à l'extérieur, ce sont des outils formidables pour la réinsertion".
La députée LaREM Yaël Braun-Pivet en visite à la prison de Bois-d'Arcy.
Crédit : Cindy Hubert
Yaël Braun-Pivet est une ancienne avocate pénaliste, elle connaît
donc bien les prisons, elle en visite d'ailleurs régulièrement en tant que
députée. Mais cette fois, c'est sans aucun doute une première, puisque la
Présidente de la Commission des Lois est restée plus de trente heure derrière
les barreaux : un temps nécessaire pour comprendre le casse tête que représente
la gestion du flux des détenus.
Une cinquantaine de détenus transite par le greffe tous les jours.
Tous ceux qui viennent d'être arrêtés ou qui arrivent directement de leurs
procès reçoivent un numéro d'écrou. Tous les services vont alors se mobiliser
au quartiers "arrivants" : le SPIP (le service d'insertion et
de probation), le SMPR (le service médico-psychologique), le médical, le
travail, le scolaire, pour ensuite orienter sur un parcours détention.
Ensuite, le casse tête commence puisque le nombre de cellules ne
bouge pas. Il faut essayer dans la mesure du possible de ne pas mettre les
prévenus et les condamnés ensemble -c'est la loi- , on essaye aussi de ne pas
mélanger les délinquants et les criminels, et puis il y a ceux qui ont la gale,
ceux qui souffrent de troubles psychiatriques... Soit près de 30% des détenus selon
les estimations de la direction, mais seulement 12 places dans une aile
dédiée.
Un ordinateur sous le bras, la Présidente de la Commission des
lois n'hésite pas à se faire ouvrir des cellules au hasard, dans des quartiers
où l'on ne va jamais : le quartier disciplinaire, l'isolement : "Vous
êtes ici depuis combien de temps ? Vous avez de la visite, votre famille vient
vous voir ?", questionne-t-elle.
Ici encore à l'isolement, les places sont comptées. 14 cellules, avec la priorité donnée aux détenus incarcérés pour grand banditisme, ou pour d'autres qu'il faut protéger. Ceux accusés de viols sur enfants par exemple. Et puis il y a les profils terroristes : le cerveau présumé des attentats de Charlie Hebdo ou encore l'un des mis en examen dans les attaques du 13 novembre. Trois personnes sont à l'isolement sur les huit incarcérés pour terrorisme ici. Le reste, et cela peut surprendre, est en détention ordinaire.
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