Au Japon, prière de ne pas tomber enceinte n'importe quand. Dans la préfecture d'Aichi, au nord du pays, une femme de 28 ans a fait les frais de cette étonnante réglementation.
Employée d'une crèche privée, la jeune femme est tombée enceinte après 8 mois de mariage. Problème : elle n'a pas respecté le "calendrier des grossesses" prévu par son entreprise. Avec son mari, elle a donc dû présenter ses excuses à son supérieur. Le patron l'a alors accusée d'avoir trahi ses collègues et enfreint la règle. Pour elle, ce rappel à l'ordre a marqué le début d'une longue période de harcèlement.
La pratique des "calendriers de grossesses" n'est pas rare au Japon. Dans certaines entreprises, des plannings sont définis et établissent un ordre de priorité pour les employées qui souhaitent avoir un enfant : d'abord les supérieurs hiérarchiques, puis le reste des salariées. Souvent officieuse, cette consigne est cependant parfois totalement assumée par les directions. Une méthode qui fait reposer une pression énorme sur les épaules des femmes : certaines se voient même interdire de tomber enceinte avant leurs 35 ans.
Dans un pays souvent cité en exemple pour sa modernité matérielle, la grossesse ne semble pas la bienvenue dans le monde de l'entreprise. Et ce malgré une natalité en berne : en 2017, le Japon présentait le deuxième taux de natalité le plus faible du monde avec 1,4 enfant par femme.
Un sondage réalisé en 2015 par le ministère du Travail et de la
Santé japonais révélait ainsi que 20% des femmes enceintes se font licencier au cours de leurs neuf mois de grossesse.
Outre la crainte de perdre leur emploi, les salariées japonaises enceintes sont régulièrement la cible de "mata-hara". Ce mot-valise créé à partir de l'expression anglaise "maternity harassement" (harcèlement lié à la maternité) désigne les humiliations, pressions et parfois les violences physiques dont sont victimes les femmes enceintes ou venant d'accoucher sur leur lieu de travail.
Selon la même étude du gouvernement japonais, une femme sur cinq exerçant un emploi à temps plein a déjà été victime de "mata-hara". Cette proportion monte à une sur deux pour les employées à temps partiel.
En 2017, Takako Suzuki, une juriste de 31 ans, avait ainsi essuyé de nombreuses critiques après avoir annoncé sa grossesse sur son blog, comme le rapporte le site japonais The Mainichi. "Ne seriez-vous pas en train d'abandonner vos devoirs ?" ou encore "Voilà pourquoi les femmes juristes sont un problème", pouvait-on lire dans les commentaires de sa publication.
Souvent pernicieuses et peu médiatisées, ces discriminations sont le reflet d'un problème plus vaste : le Japon accuse d'un énorme retard en matière d'égalité femmes-hommes. En 2017, le pays occupait la 114e place sur 144 dans le classement du Global Gender Gap Index du Forum économique mondial.
"Le marché du travail a été conçu par et pour les hommes", explique
l'économiste Naohiro Yashiro, professeure à la Tokyo Women's University
au magazine Elle. Dans une société où la division des rôles entre femmes est hommes est encore très marquée, les femmes enceintes ou ayant des enfants sont donc fortement incitées à s'occuper de leur foyer... quitte à devoir abandonner leur emploi. Malgré l'existence d'un congé maternité (six semaines avant et huit après l'accouchement), deux Japonaises sur trois arrêtent de travailler après la naissance de leur premier enfant.
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