Années 70, un quart de siècle s’est écoulé depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, mais le traumatisme est toujours présent. Quand la marque Yves Saint Laurent emprunte les codes du passé pour révolutionner la mode, les plaies s’ouvrent à nouveau violemment. 29 janvier 1971, le tout Paris se presse rue Spontini, dans les salons de la maison Saint Laurent. Le jeune créateur présente sa collection printemps-été. "Des chaises, les mannequins qui passent au milieu et zéro musique. Donc il y a un silence un peu glacial. Je pense qu’on entendait les filles se frôler et on entendait les bruits de pas", raconte Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera.
Mais quelque chose ne passe pas. Les créations rappellent étrangement la mode des années 40, les vêtements de la France occupée. "Les chaussures compensées, les épaulettes. Il y avait une robe du soir qui était verte, avec un motif de camouflage. Ça c’était très bizarre dans un contexte de haute couture. On ne considérait pas dans les années 70 que cette mode-là pouvait avoir une forme d’élégance", explique Olivier Saillard.
Le poids de l’histoire était trop fort
Pierre Bergé
Plus le défilé avance, plus les spectateurs sont choqués. "Les gens se regardaient sans doute un peu, n’osaient pas s’avouer qu’ils n’aimaient pas. Et on voit en effet sur la mine des personnes qui assistent une sorte d’atmosphère interdite. Il y a quelque chose d’un peu glacé", détaille-t-il. Les années d’occupation revivent sous les yeux de l’assistance. Même 25 ans après, le malaise est lourd. "Cette mode était née pendant l’occupation. D’une veste on faisait une jupe, d’un rideau une robe. Beaucoup des clientes avaient connu cette période. Elles n’avaient pas du tout envie de revenir habillées comme elles l’étaient".
En coulisses, Pierre Bergé, le compagnon d’Yves Saint Laurent, assiste à la scène. "Je voyais les essayages. Donc quand j’ai vu tout ça, j’avais bien compris que ça ne se passerait pas facilement. Parce que le poids de l’histoire était trop fort et parce que les gens ne savent pas voir. Mais je ne lui ai jamais dit", confie-t-il. Le lendemain, toute la presse crie au scandale. "La presse était mais vraiment déchaînée, la presse américaine a titré absolument dégueulasse. La presse française, pareil", se rappelle Pierre Bergé.
"On a traité Yves Saint Laurent de Yves Saint Hideux. Je n’ai pas souvenir dans l’histoire contemporaine de la mode qu’il y ait eu des papiers aussi violents après une collection", renchérit Olivier Saillard. Le jeune créateur ne s’attendait pas à un tel déferlement. En fait, Yves Saint Laurent n’avait pas pensé à la guerre, à l’occupation. Son inspiration c’était une jeune femme sans trop d’argent, qui s’habillait à la mode des années 40 par nécessité. Paloma Picasso, la fille de Pablo Picasso.
"Paloma Picasso qui n’avait pas d’argent à l’époque et qui s’habillait aux Puces. Elle avait des chaussures à semelles compensées. Et c’est ça qui a séduit Yves. Il m’a dit 'mais c’est formidable, il y a une liberté'. Et évidemment, elle s’habillait avec pas de moyens. Avec ce qu’elle trouvait". Les mois passent et contre toute attente, la collection est réhabilitée. Ce sont les plus jeunes, ceux qui n’avaient pas connu la guerre, qui s’approprient le style Yves Saint Laurent. De nouveau adulé, le créateur Yves Saint Laurent représentera encore l’élégance française pendant plus de 30 ans, jusqu’en 2002.
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