Isabelle Morini-Bosc : "L'animal souffre-t-il ? Ressent-il ? Aime-t-il ? Oui"

ÉDITO - "L'Animal est une personne", documentaire diffusé lundi sur France 3, apportait une dimension philosophique aux bêtes.

Des vaches paissent dans le canton de Vaud, près du Mont Pèlerin, en Suisse (photo d'illustration)

1.320.000 téléspectateurs devant L'Animal est une personne, on pouvait espérer plus. Ce reportage faisait en effet une fois de plus la preuve qu'il y a au moins encore chaque jour un programme nécessaire à 20h50 sur l'une ou l'autre de nos grandes chaînes, sans compter les émissions divertissantes qui parviennent souvent à l'être. Le programme nécessaire, c'était donc lundi L'animal est une personne, voulu par Franz Olivier Giesbert pour France 3. Il a lui-même mené l'enquête, panama vissé sur la tête, mais ce sont à ses yeux les autres "qui travaillent du chapeau". Les autres, "ceux de l'industrie agro-alimentaire", qui fabriquent des malheureux, des victimes, de malheureuses victimes facilement identifiables : les éleveurs, les cheptels, les consommateurs. Vous. Nous.

Cette spéciale n'était certes ni la première ni la dernière du genre : toutes les télévisions ont successivement traité ce thème, que ce soit la fille de Jean-Pierre Mocky remontant la filière du cochon, ou les mousquetaires Etchebest-Arabian-Lignac-Camdeborde enquêtant sur la mondialisation alimentaire; sans oublier, ici ou là, la diffusion d'excellentes spéciales. Oui, chaînes et chaîne alimentaire, voire chaîne du froid, ça va ensemble. Le plus qu'apportait la spéciale de FOGiesbert sur France 3, c'était une "dimension philosophique de l'animal".

Des images terribles et d'autres émouvantes

Souffre-t-il ? Ressent-il ? Aime-t-il ? Jalouse-t-il ? Au fil d'études scientifiques de plus en plus poussées, il est aujourd'hui répondu "oui" à tout. Oui, même le bétail aime, déteste, s'amuse et souffre. Et alors ? Et alors si on admet que "l'animal est une personne", cela devient plus difficile, moins moral, d'admettre qu'on parque ces "bêtes de somme" dans des baraquements mouroirs surpeuplés sans lumière du jour, et ce jusqu'à leur mort dans d'autres baraquements mouroirs où elle seront saignées avec brutalité. Oui, dans les filières industrielles on met des gants, mais on n'en prend pas avec les bêtes. Pas plus qu'avec les paysans, poussés à la faute pour avoir dû appliquer une série de consignes imbéciles imposées par les politiques de tous bords et débords depuis les années 50.

Doublement victimes et involontairement bourreaux, devenus souvent les "nounous-matons" de poussins qui se piétinent, ou de jeunes truies épuisées par les injections et les inséminations successives. C'est sûr que si les "bestiaux" sentent et ressentent on est, comme dit l'autre, mal barrés...On est donc mal barrés ! Les images les plus terribles alternaient dieu merci hier avec les plus émouvantes : le petit abattoir où on insensibilise la vache pour qu'elle ne souffre pas; l'éleveuse attentionnée qui accompagne elle-même ses bêtes à la mort; le fromager fou de ses biquettes coquines le rendant gentiment chèvre; le gardien d'oies orphelines qui emmène ses "filles" en promenade sans que ça le "gave"(!), ou encore ce "patron" de vaches salers qui connait chacune d'elles par son prénom alors qu'il a naguère vécu l'horreur comme directeur-qualité dans la grande distribution.

L'émission était en fait également (surtout) destinée à ceux qui ont le droit de ne pas aimer les bêtes : il faut leur rappeler qu'un animal stressé (et dopé par les antibiotiques) dégage des toxines "franchement pas bonnes pour l'homme"... Oui, c'était pour eux aussi, pour eux surtout, que FOG, avec L'animal est une personne, a précisément mené l'enquête comme personne, foi d'animal !

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