Isabelle Morini-Bosc : "Pierre Arditi se déclare en résistance"

ÉDITO - Samedi, au lendemain des attentats, Pierre Arditi a assuré deux représentations du "Mensonge", l'une à 17h30, l'autre à 21 heures au théâtre Edouard VII.

Pierre Arditi n'a pas annulé sa pièce au lendemain des attentats

Le Théâtre Edouard VII à 21 heures samedi dernier. 350 places occupées sur les 700 que compte l'établissement. Des ex-flics "en civil", invisibles à l’œil de celui qui ne sait pas, sont là pour renforcer la sécurité sans perturber le public. Le restaurant du théâtre va exceptionnellement fermer; bientôt, des spectateurs applaudissent le metteur en scène Bernard Murat, venu expliquer qu'ils vont jouer pour ne pas laisser la victoire aux bourreaux. Moins de 24 heures après les horreurs du vendredi 13, le personnel du théâtre est à pied d'oeuvre et sur le pied de guerre.

Mieux il va, comme prévu, assurer deux représentations de suite, l'une à 17h30, l'autre à 21 heures. À l'heure où la quasi-totalité des salles de spectacle, Olympia inclus, ferment leurs grilles, le théâtre Edouard VII, comme 14 autres ce soir-là, s'apprête à "jouer la comédie", celle initialement prévue. C'est Le mensonge une pièce brillamment interprétée par Evelyne Bouix et son mari Pierre Arditi. Et c'est précisément ce soir-là que je l'ai le plus aimé, Pierre Arditi, que je l'ai trouvé le plus convaincant. Le plus performant. Le plus persuasif. Le plus percutant. Le plus efficace. Le plus "sonore"...

Il ne faut pas laisser les salauds gagner deux fois

Pierre Arditi

Oui, pour moi c'est son meilleur rôle. Sur scène évidemment. Mais hors-scène tout autant. Hors-scène plus encore. Car ce soir-là, Pierre Arditi, à l'heure où ce n'est médiatiquement pas encore l'heure, se déclare "entré en résistance". Physiquement en lutte et en guerre, il remonte d'une main énergique ses manches de pull bleu marine sur ses avants-bras, marche, s'arrête, s'assied, se relève, précis dans ses gestes comme dans ses propos quand je le retrouve "en loge" après le spectacle. Oui, il marche, et il mâche moins ses mots (si c'est possible) que sur le petit écran. Il apparaît en effet encore plus déterminé au naturel que dans la "peau" de Benjamin Lebel (Le Sang de la vigne sur France 3), d'Alex le passeur d'enfants en zones dangereuses, ou de Sauveur Giordano sur TF1.

Samedi soir, il me dit -et vous l'avez entendu dimanche matin sur RTL- qu'il ne faut pas laisser les salauds gagner deux fois; que "s'ils veulent nous tuer, ils nous trouveront debout en train de les regarder dans les yeux"; que sa façon d'être solidaire avec ceux qui souffrent, c'est de jouer, "sans consigne d'aucune sorte"..."avant de verser des larmes en rentrant à la maison". Aujourd'hui plus que jamais, il l'affirme, "nous sommes en guerre". Et donc toujours en colère.

"Ne pas courber l'échine", dit Simon Abkarian

Comme Simon Abkarian, que l'on retrouvera demain sur France 2 dans le rôle principal du feuilleton Malateterre, et que l'on entendra lui aussi sur RTL. Il cache mal son indignation concernant "ces gens infréquentables que nous fréquentons pourtant", notamment les Saoudiens qui, il le clame, "font tuer d'une main et envoient des messages de condoléance de l'autre". Il dénonce, lui, les politiciens pratiquant une politique à géométrie variable en fonction des intérêts du moment. Lui aussi a ce cri du cœur : "Qu'ils arrêtent de nous tirer dessus, qu'ils arrêtent de nous tuer". Et lui aussi pense, comme Pierre Arditi, qu'il ne faut pas courber l'échine. Que les coups tordus obligent à rester droit. Comme Pierre Arditi, il a beau jouer pour tous... Il ne joue plus du tout!

La rédaction vous recommande