Comment l'héritage du commandant Cousteau a été dilapidé

Le film de Jérôme Salle, en salle le 12 octobre, revient sur la légende du célèbre explorateur au bonnet rouge.

Le commandant Jacques-Yves Cousteau et son fils Philippe, en 1985

Crédit : AFP

Le réalisateur Jérôme Salle, qui a parlé en préparant son film à de nombreux membres de la famille Cousteau, les avait tous prévenus : "Il ne s’agira pas d’une hagiographie". Cela se confirme. L’Odyssée retrace la carrière d'un homme devenu une star internationale grâce notamment à son sens du marketing (le bonnet rouge). Mais il montre comment, pour parvenir au succès, le commandant a broyé ses proches. Il montre comment, comme Picasso, il a quasiment renié ses enfants pour accomplir son œuvre. Sa double vie, ses relations tumultueuses avec ses fils : le film montre tout. Comme si, dix-neuf ans après la mort du commandant, le moment était venu d’essayer de faire la part des choses.

D'autant plus que le commandant fait régulièrement l’objet d’attaques virulentes. Première calomnie : il aurait été collabo pendant la guerre. On le confond en fait avec son frère aîné, Pierre-Antoine Cousteau, qui a été condamné pour collaboration avec les nazi, alors que Jacques-Yves Cousteau a été décoré pour acte de résistance. Deuxième légende urbaine : Cousteau se serait converti à l’islam. C’est faux, la rumeur est de photos où on le voit en keffieh.

Enfin, ses détracteurs affirment qu’il a été écologiste après avoir dynamité des récifs de coraux. Oui le commandant Cousteau a commencé sa carrière avec les méthodes des océanographes de sa génération, avant d’inventer l’écologie moderne.

La marque Cousteau s'est quasiment éteinte

La mémoire est d’autant plus attaquée que la famille Cousteau est aujourd'hui désunie pour le défendre. La Fondation Cousteau, qui comptait dans les années 90 près de 100.000 membres en France, et la Cousteau Society, qui comptait 250.000 adhérents aux États-Unis, ont très vite périclité, minées par la guerre entre les deux principaux héritiers : Francine Cousteau, la deuxième femme du commandant, et Jean-Michel Cousteau, le fils aîné.

La marque Cousteau s'est quasiment éteinte en quelques années, déplore Yves Paccalet, l'ex-bras droit du commandant. "C'est un crève-cœur parce que ces associations étaient des armes pour les amis de l'environnement et de l'Humanité. Grâce à leur force, on a par exemple réussi au début des années 90 à sauver l'Antarctique", explique-t-il. "J'ai essayé de jouer en quelque sorte l'entremetteur entre Francine et Jean-Michel, en leur demandant au moins de faire semblant, mais ça n'a pas marché, l'inimité a été plus forte", regrette-t-il.

Le symbole de ce naufrage de l’héritage Cousteau, c’est la Calypso. Le bateau, l'un des plus connus au monde, a agonisé pendant des années à La Rochelle, puis à Concarneau, avant de partir en Turquie cette année pour être réparé. Mais c’est trop tard, dit Yves Paccalet, "on ne ressuscitera pas la Calypso".

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