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"Justice" : une pièce brillante pour "tendre la main à la population délinquante"

INTERVIEWS - Ce n'est pas qu'aux politiques de régler les problèmes de délinquance mais aussi à la population elle-même. C'est le message de cette pièce étonnante signée Samantha Markowic et mise en scène par Salomé Lelouch au théâtre de l'Œuvre, à Paris.

Camille Chamoux et Camille Cottin échanges les rôles d'hommes et de femmes dans "Justice" de Samantha Markowic, mise en scène par Salomé Lelouch
Crédit : Victor Tonelli
Cécile De Sèze

Surprenante, bluffante, intrigante. La pièce Justice signée Samantha Markowic et mise en scène par Salomé Lelouch au théâtre de l'Œuvre, à Paris, jusqu'au 31 mars, est stupéfiante. Autant par le jeu des actrices qui parviennent à se fondre d'un personnage à l'autre sans artifice vestimentaire (ou presque) et seulement grâce à un jeu de mise en scène discret mais efficace, que par le sujet de fond lui-même.

Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, flic, avocats, magistrats, déférés... Les personnages sont variés et racontent tous l'histoire d'une "justice de pauvre pour les pauvres". Une phrase extraite de l'oeuvre et qui tend à dénoncer un système judiciaire en boucle, "qui n'a pas le temps et qui va très vite", raconte Salomé Lelouch, rencontrée par RTL.fr

Elle fait partie, avec Camille Chamoux (également rencontrée par la rédaction), Samantha Markowic et Camille Cottin, de cette bande de filles qui se côtoient depuis une dizaine d'années. Ces trois dernières, actrices dans la pièce, échangent leur place avec trois autres comédiennes en fonction des jours de représentations : Naidra Ayadi, Fatima N'Doye et Océane Rosemarie

Samantha Markowic, Camille Cottin et Camille Chamoux dans "Justice" mise en scène par Salomé Lelouch et écrite par Samantha Markowic
Crédit : Victor Tonelli

Justice plonge le spectateur dans l'histoire en fil rouge de Sabrina Mallard. Elle est victime d'une agression dans la rue et va porter plainte contre Mohamed Ali, son agresseur. Un petit délinquant multirécidiviste. S'en suit une série de scénettes avec des agresseurs plus ou moins victimes de la société, de leur déficience psychologique ou psychiatrique, de leur addiction à la drogue... Une justice parfois laxiste, parfois sévère, parfois sans cœur. Une justice à mille visages, comme les mille visages des personnages de la pièce. 

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Ces petites scènes du quotidien de la justice française, sont toutes inspirées de faits réels. Des histoires "qui lui (Samantha Markowic) sont arrivées, qu'elle a lues dans la presse ou qu'elle a vues au tribunal", confie encore Salomé Lelouch. À l'instar de l'histoire principale de Sabrina Mallard, qui raconte l'agression de l'autrice. L'auteur a fait tout un travail d'imagination pour raconter les échanges dans l'antre secrète du bureau du substitut du procureur

Samantha Markowic et Camille Cottin dans les rôles de l'agresseur et du substitut du procureur dans "Justice" au théâtre de l'Oeuvre
Crédit : Victor Tonelli

La pièce se concentre essentiellement sur les délits, la petite délinquance et tout le trajet parcouru avant le passage en comparution immédiate. "On parle de gens sur le fil, dont on a toutes eu l'impression qu'on pourrait faire partie d'eux, commence à expliquer Salomé Lelouch. On aurait pu, dans d'autres circonstances, ou on pourrait dans un futur si la vie était moins clémente avec nous à un moment donné, se retrouver dans cette situation-là". 

"Ce sont des gens qui dérapent parce que ce sont des gens qui sont 'victimes de la vie', non pas du système judiciaire, poursuit-elle. On n'est pas en train de raconter une justice qui fait mal son travail mais une humanité qui se retrouve face à la  justice pour des raisons très injustes de la vie", et ce message aurait été, selon elle, bien plus difficile à faire passer avec des violeurs ou des assassins.

On raconte une humanité qui se retrouve face à la justice pour des raisons injustes de la vie

Salomé Lelouch, metteure en scène de la pièce "Justice"

Samantha Markowic à travers son oeuvre fait ainsi passer cette idée : "Se mettre à la place de l'autre", explique à RTL.fr Camille Chamoux. "On prend toujours la place d'une personne. On prend celle des flics, des juges, des avocats, des déférés... Donc c'est le principe d'empathie. La justice fonctionne sur des lois, mais chez le citoyen, elle ne peut fonctionner que sur un principe d'empathie", ajoute la comédienne. 

"Et justement, sur la comparution immédiate, il n'y a pas d’empathie parce qu'on n'est pas là pour juger le parcours de quelqu'un, on va se concentrer sur l'acte et non pas la personne", ajoute Salomé Lelouch. "Il y a une main à tendre de la part de l'ensemble de la société civile à l'intention des délinquants", c'est le message de la pièce. 

Faire changer le regard de la société civile sur la délinquance, c'est l'objectif. "On ne peut pas râler et demander tout le temps à nos dirigeants de régler tous les problèmes si nous mêmes au quotidien tous les jours on n'essaye pas", insiste la metteure en scène. Elle donne alors l'exemple d'un chef d'entreprise qui accepterait d'embaucher un délinquant en réinsertion. 

Donner la parole pendant une heure et quart aux acteurs de cette justice et aux déférés

Camille Chamoux, comédienne dans la pièce "Justice"

La pièce est brûlante d'actualité alors que la surpopulation carcérale est en plein débat. Quand les prisons ont été le théâtre de blocages de la part de surveillants qui réclament de meilleures conditions de travail notamment. 

Salomé Lelouch et Camille Chamoux ont d'ailleurs été "frappées" par l'attitude du procureur de la République quand elles se sont rendues au palais de Justice pour assister à des jugements de prévenus. "Celui qui demande le pire au départ, demande aujourd'hui assez rarement l'enfermement", comme si "des directives avaient été données pour essayer de calmer l'enfermement". 

Le problème de la mise en détention de certains à la place de leur placement en psychiatrie est aussi abordé. Selon l’Observatoire national des prisons, un quart des détenus en France relèveraient de l'hospitalisation et non de la détention. "Une double peine" selon l'ONG Human Rights Watch.

Je pense qu'il y a quelque chose qui a profondément changé en moi

Salomé Lelouch, metteure en scène de la pièce "Justice"

Cette pièce donne ainsi la parole pendant une heure et quart "aux acteurs de cette justice et aux déférés, pour Camille Chamoux. C'est aussi leur donner du temps de parole et du temps de compréhension. Il y a une justice à grande vitesse dans notre pays et cette justice elle touche les gens qui n'ont jamais la parole : les délinquants, la petite misère". Sans pour autant faire des agresseurs des victimes.

Salomé Lelouch elle-même avoue avoir changé son regard après avoir vu la pièce. Désormais, "je réfléchirai à deux fois avant de porter plainte ou pas porter plainte... Je pense qu'il y a quelque chose qui a profondément changé en moi."

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