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L'acteur Philippe Torreton
Crédit : MARTIN BUREAU / AFP
C'est la première fois depuis 1938 ans que Cyrano revient là où est né le phénomène : sur les planches du Théâtre de la Porte Saint-Martin, à deux pas de la place de la République à Paris. Cyrano de Bergerac est pourtant le chef d'œuvre le plus rentable du répertoire français. C'est la pièce française la plus jouée. Depuis sa création, le triomphe est continu. Il n'y a pas un seul soir, dit-on, où elle n'est pas jouée quelque part dans le monde. Depuis des générations, les meilleurs acteurs de leur époque ont chaussé le nez de Cyrano et mis dans leurs bouches ces alexandrins gravés en chacun de nous. S'ajoute donc à cette liste Philippe Torreton, qui a déjà remporté un Molière pour ce Cyrano en 2014. Mais à partir du 2 février, il va jouer là où tout a commencé.
C'est sur la scène du Théâtre de la Porte Saint-Martin qu'il y a eu le choc de la générale. Edmond Rostand s'attendait pourtant à faire un four. Dans la troupe, on lui conseillait même de retirer la tirade du nez. Mais le lundi 27 décembre 1897, c'est le délire. Quarante rappels. Ce n'est ni une comédie, ni une farce, ni une tragédie. C'est tout en même temps. On est après la défaite de 1870. Avec Cyrano, la France retrouve le moral et un peu de son panache. Avec Cyrano, on invente les produits dérivés. Il est partout : sur des statuettes-souvenir en porcelaine, sur des camemberts, et même sur les bouillons cubes Liebig, comme le raconte Thomas Sertillanges, qui a collectionné tout ça et qui cherche un partenaire pour créer un musée Cyrano.
Cyrano, en fait, est immédiatement entré dans notre culture populaire. Il est devenu un mythe français. Un mythe qu'on réinvente sans cesse et qu'on réinterprète. Certains metteurs en scène, isolés, pensent que Cyrano, en fait, n'était pas amoureux de Roxane mais de Christian, et que Cyrano était gay. Ce qui est avéré c'est que le vrai Cyrano, Savinien de Cyrano de Bergerac, l'écrivain incompris du XVIIème siècle qui a inspiré Edmond Rostand, était homosexuel.
À chacun donc son Cyrano. Celui de Philippe Torreton est enfermé dans un asile psychiatrique. Comme ça, ça peut faire peur. Mais au regard des répétitions, c'est vraiment tentant. Le Cyrano de Philipppe Torreton est peut-être atteint de bipolarité. Bagarreur et dépressif. Complexé et insoumis. Évidemment insoumis. "On est dans une société où, apparemment, on est assez libre, mais existe l'autocensure. On a des canaux où on peut dire plein de trucs sous couvert d'anonymat, mais on ne dit pas grand chose en son nom. Et ça, Cyrano le fait, il prend tous les risques, il dit son fait à tout le monde. En cela, il est malheureusement terriblement d'actualité", affirme l'acteur.
Philippe Torreton nous pose une belle question : si on aime Cyrano, si on le porte si haut depuis des générations, n'est-ce pas parce qu'il est courageux à notre place ?
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