C'est Goldman Sachs, qu’on appelle aussi "la pieuvre" (à cause de ses réseaux politiques, c’est une banque d’investissement de premier plan) qui a recruté José Manuel Barroso comme président Europe, basé à Londres. À Bruxelles, cette décision, annoncée durant l’été, a mis en fureur l'actuelle Commission et les chefs de l’État. François Hollande a ainsi parlé d’une situation "légalement possible, mais moralement inacceptable", à cause des conflits d’intérêts. Du coup, Barroso va être privé de ses privilèges de protocole d’ancien président. Lorsqu'il reviendra à Bruxelles, il sera considéré comme un simple lobbyiste. Jean-Claude Juncker, l’actuel patron de Bruxelles, a saisi le comité d’éthique et demandé à examiner le contrat de travail de Barroso.
On craint qu’il utilise ses connaissances de l’appareil bruxellois et des chefs d’État pour faire valoir les intérêts de Goldman Sachs. En particulier lors des négociations à venir sur le Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’un des principaux sujets de cette négociation à venir, c’est justement la finance. Goldman Sachs possède des centaines d’employés à Londres, dont le destin est aujourd'hui incertain. Si le Brexit se fait à des conditions dures, Goldman Sachs ne pourra plus avoir accès au marché financier européen à partir de Londres, et sera obligé de transférer ses activités ailleurs en Europe.
On a le droit de quitter ainsi le service public européen pour se faire embaucher par le privé. Il faut laisser passer dix-huit mois minimum, de façon à éviter les conflits d’intérêt trop brûlants. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Barroso. Mais Juncker considère que c’est insuffisant. Cette pratique de pantouflage est très répandue chez les anciens hauts fonctionnaires ou responsables politiques. Car elle s’accompagne de salaires princiers, de plusieurs millions d’euros par an.
L’ancien patron de la banque d’Angleterre, Mervyn King, a été recruté par une autre banque américaine, Citigroup. Tony Blair, l’ancien Premier ministre anglais, qui est aujourd'hui l’un des hommes les plus détestés du pays à cause de son affairisme et de son appétit pour l’argent, a été chez JP Morgan. Il arrive aussi que les mouvements soient inverses. Mario Draghi, le patron de la BCE, avait été chez Goldman Sachs avant sa prise de poste. Tout comme la plupart des secrétaires au Trésor américains, qui sont généralement des banquiers.
Cela veut dire qu’il n’y a pas de frontières étanches entre le privé et le public. C’est ce qu’on appelle le système des "portes tournantes", qui nourrit les soupçons de collusion entre les élites dirigeantes. Si la Commission trouve à redire à cette pratique ancienne aujourd'hui, c'est parce que le climat change. Les populistes gagnent du terrain partout en Europe, et ce qui était acceptable il y a dix ans l’est de moins en moins.
Du coup, la Commission, pour se re-légitimer, change d’attitude. Et elle a raison. Sur cette affaire, mais aussi sur Apple, société à laquelle elle demande13 milliards d’euros pour avoir bénéficié d’accords fiscaux extrêmement avantageux, ou sur la concurrence avec la Chine, pays vis-à-vis duquel Bruxelles se montre bien plus dur que naguère. L’ère du laisser-faire se termine, et les pouvoirs politiques traditionnels sont en train d’en prendre la mesure.
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