Youssef Aït Boulahcen a changé de nom afin de ne plus porter le même nom que sa sœur, Hasna, pour son avenir et celui de ses "futurs enfants", explique-t-il au tribunal de grande instance de Paris, le 24 janvier. Il comparaît libre, contrairement aux deux autres accusés, Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah, pour "non-dénonciation de crime terroriste" et encourt jusqu'à 5 ans de prison dans ce premier procès en lien avec les attentats du 13 novembre.
Hasna Aït Boulahcen est décédée dans l'appartement au 3e étage du 8, rue du Corbillon, à Saint-Denis, le 18 novembre 2015 dans l'assaut du RAID, avec son cousin Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh, alors recherchés pour les attaques terroristes du Stade de France, des terrasses parisiennes et du Bataclan.
Youssef Aït Boulahcen est soupçonné par la justice d'avoir été au courant du lieu où se trouvaient ces deux jihadistes et de leur projet d'attentat à la Défense - qu'ils devaient perpétrer le jour de l'assaut. C'est sa sœur qui a trouvé la planque pour les deux terroristes recherchés.
Il plaide son innocence avec un vocabulaire poli et appliqué devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, habituée des affaires liées au terrorisme. Lorsqu'il répond à l'interrogatoire de la présidente Isabelle Prévost-Desprez, qui dure plus de deux heures, il met beaucoup de choses sur le compte du comportement de sa sœur, une "excentrique", qui "s'invente une vie pour avoir de l'attention", "s'invente une religion". Ils n'ont pas vraiment grandi ensemble puisqu'ils ont été placés dans une famille d'accueil pendant dix ans, à cause de leur mère violente.
La présidente tente de comprendre comment il n'a pas pu cerner que sa sœur lui parlait d'Abdelhamid Abaaoud, leur cousin et le jihadiste le plus recherché d'Europe, quand elle cherchait un appartement où le loger. Il est pourtant la première personne qu'elle a contactée après avoir reçu l'ordre depuis la Belgique de trouver un logement. Un appel d'une minute et quelques secondes dont le prévenu n'a aucun souvenir.
Pourtant, la teneur de cet appel pourrait établir son innocence ou sa culpabilité. Comme bon nombre de messages qui ont disparu avec la destruction de sa puce de téléphone mobile qu'il a jetée dans la foulée de l'assaut pour éviter justement d'avoir à faire à la justice. Un geste qu'il qualifie aujourd'hui d'erreur. Et la présidente de souligner : "Si vous n'aviez pas effacé tous ces messages on aurait pu vérifier ce que vous dites monsieur".
"Le cousin", "une cousine", "un réfugié", "l'ami du cousin"... Hasna semblait peu claire dans sa description du personnage à héberger quand elle en a parlé à son frère. En revanche, elle s'en ventait allègrement à tous ses autres interlocuteurs.
Le tribunal a alors du mal à croire que Youssef Aït Boulahcen n'ait pas fait le rapprochement avec Abdelhamid Abaaoud, son cousin germain. Surtout qu'à cette époque, comme le souligne un avocat des parties civiles, sa "sœur est affolée, toute la France est affolée" mais lui "ne fait pas le lien". "Pas du tout", confirme-t-il, sous le regard circonspect de la présidente.
L'autre question, qui pourrait faire pencher la balance contre lui ou, à l'inverse, en sa faveur, c'est son niveau d'engagement religieux. Des images de lions sur son profil Skype, dont il ne se souvient pas, des documents faisant la gloire de l'État islamique ou l'instauration d'un califat, des photos d'Abdelhamid Abaaoud sur son iPhone 6 et de la propagande antisémite... L'ambulancier de 25 ans sans antécédents judiciaires se défend met une fois de plus tout sur le dos de sa sœur.
C'est elle qui aurait mis des photos dans son téléphone. En revanche, il admet avoir téléchargé certains documents mais condamne la manière de faire des enquêteurs : "On a mis en avant des éléments pour montrer que je suis radicalisé alors qu'il y a des milliers de documents qui montreraient le contraire".
On est toujours l'extrémiste de quelqu'un et le laxiste d'un autre
Youssef Aït-Boulahcen
Pourtant, des déclarations à la teneur assez claire sont aussi ressorties. Notamment une discussion avec un de ses amis proches à propos des homosexuels à qui il faut "couper le zguègue (...) comme ils font Daesh (...) les balancer du haut d'une falaise". Des propos dont il promet avoir honte aujourd'hui même s'il admet n'avoir "jamais compris l'homosexualité".
Certains de ses copains le surnommaient "soldat de Daesh". Accusation qu'il balaie d'un revers de manche, expliquant que ce n'est "qu'un sobriquet" donné entre amis. Puis il lâche : "On est toujours l'extrémiste de quelqu'un et le laxiste d'un autre", avant de se lancer dans une tirade anti-Abaaoud pour bien montrer de quel côté il se trouve. "Abdelhamid Abaaoud est l’auteur d’un désastre. Moi, je vais m’apparenter à un assassin, à un terroriste ? En plus, moi je suis ambulancier ! Je n'ai rien à voir avec Albdelhamid Abaaoud."
"Personne dans mon entourage est parti en Syrie à part les liens familiaux et on ne choisit pas sa famille", argumente-t-il encore en se défendant, une dernière fois, d'être en train d'utiliser des techniques de dissimulation devant le tribunal.
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