L'histoire semble invraisemblable. Dix ans après avoir été acquitté des charges de viols sur mineurs qui pesaient sur lui dans l'affaire Outreau, Daniel Legrand est jugé une troisième fois dès ce mardi matin 19 mai à Rennes de viols sur des enfants.
Ce troisième procès s'explique pour des raisons de pure procédure. Jugé, et acquitté par la cour d'appel de Paris le 1er décembre 2015, pour les faits de viols et d'agressions sexuels sur les quatre fils de la famille Delay, dont le père et la mère ont reconnu avoir abusé sexuellement, commis durant sa majorité (entre 1999 et 2000), il n'a jamais été jugé pour ces faits qu'il aurait commis à sa minorité (entre 1997 et 1999). Ce qui explique pourquoi le jeune homme aujourd'hui âgé de 33 ans se retrouve devant la cour d'assises pour mineurs d'Ille-et-Vilaine. Il encourt 20 ans de réclusion criminelle.
"On est reçus à Matignon, on est indemnisés... et là, on me rejuge, c'est absurde. On s'acharne sur moi", a confié Daniel Legrand à quelques jours du procès. Défendu par une demi-douzaine de ténors du barreau, anciens défenseurs des "acquittés", il se sent néanmoins "plutôt serein et confiant, même si un peu anxieux".
Le dossier d'Outreau, portant sur un réseau pédophile présumé, a éclaté en février 2001. Mais après deux procès, à Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 puis en appel à Paris fin 2005, l'affaire a débouché sur l'acquittement de 13 personnes sur les 17 mises en examen, après parfois trois ans de détention provisoire. Le président de la République Jacques Chirac présenta même ses excuses aux acquittés.
Côté victimes, chez les fils de Thierry Delay et Myriam Badaoui Delay, condamnés à 20 et 15 ans de réclusion pour les avoir violés avec un couple de voisins, la souffrance n'est pas moindre, soulignent leurs avocats. Trois d'entre eux, les plus âgés, Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, ont décidé de se constituer partie civile. "Les enfants Delay ont été laissés à la rue, on ne s'est pas beaucoup penché sur la destruction qu'ils ont subie", explique Me Léon Lef-Forster, avocat de Chérif et Dimitri Delay. "S'ils se constituent partie civile c'est qu'ils affirment que Daniel Legrand a commis quand il était mineur des actes sur eux".
Il faut vraiment aller jusqu'au bout, vider les abcès là où il y en a, que tout le monde puisse s'exprimer, que tout soit dit, qu'on vide tout ce qu'il y a à vider
Me Patrice Reviron, un des avocats de Jonathan Delay,
C'est une association de défense de l'enfance, Innocence en danger, qui est venue en aide à plusieurs des enfants Delay après leur majorité, qui a rappelé au parquet de Douai en 2013 que les charges retenues contre Daniel Legrand fils lorsqu'il était mineur n'avaient pas encore été jugées et qu'elles risquaient d'être prescrites. Une initiative qui a débouché sur ce nouveau procès à Rennes. Me Lef Forster assure néanmoins, en réponse aux attaques de certains défenseurs de Daniel Legrand, qu'il ne s'agit pas d'"essayer d'obtenir des jurés et des magistrats qu'ils considèrent que la décision (d'acquittement) doit être remise en cause".
L'un d'eux, Hubert Delarue, ne mâche pas ses mots: "Derrière tout ça, en réalité, quoi qu'ils disent, il y a toute l'équipe des révisionnistes qui de manière très couarde, passent leur temps à dire que les acquittés étaient coupables". Parmi les 43 témoins cités à la barre, les principaux acteurs de l'affaire initiale, comme les "acquittés", mais aussi le juge Burgaud ou Myriam Badaoui, vont défiler pendant trois semaines à la barre.
Qualifiant ce procès de "non sens absolu", Me Julien Delarue, un autre avocat de Daniel Legrand estime que son "seul mérite" serait d'avoir une décision d'acquittement motivée, ce que la loi n'obligeait pas à faire en 2005, "afin qu'on ne puisse plus affirmer à tous vents que la justice complote, que la justice est injuste". "Même si cela bénéficie à Daniel Legrand, aucun souci : il faut vraiment aller jusqu'au bout, vider les abcès là où il y en a, que tout le monde puisse s'exprimer, que tout soit dit, qu'on vide tout ce qu'il y a à vider", renchérit, pour la partie adverse, Me Patrice Reviron, un des avocats de Jonathan Delay, le seul qui a annoncé qu'il viendrait témoigner. Mais il ajoute : "J'ai un client qui se souvient, je ne peux pas lui enlever sa mémoire".
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