L'oraison funèbre totalement exceptionnelle devrait avoir lieu dans un des temples protestants de Paris. Un pasteur a donné son accord. Il planche déjà sur la prière pour "le repos de l’âme" du défunt et au choix de la musique. Celle-ci sera d’époque, du début du XVIIème siècle. Il y aura un requiem à la cérémonie. En revanche, il n’y aura pas de membre de la famille (on n'en a pas retrouvé). Mais des chercheurs accompagneront le défunt. Car Thomas Craven n’est pas n’importe qui. C’est l’une des dépouilles les plus étudiées de la science.
Retour sur son histoire en quelques mots. Il y a trente ans, en septembre 1986, des ouvriers découvrent dans les sous-sols du conservatoire de musique de Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, un cercueil intact. À l’intérieur, un corps embaumé. L’épitaphe indique : "Thomas Craven, fils du maire de Londres, mort à 18 ans et quelques mois". C'est donc en 1986 qu’a commencé une aventure scientifique hors du commun. Pendant trente ans, les chercheurs du Service d’archéologie du Val-de-Marne ont tenté de "faire parler" ce corps jailli du XVIIème siècle, miraculeusement conservé.
Ils scannent la dépouille, étudient les pollens et l’embaumement. En analysant l’ADN des dents, ils parviennent à établir que le noble anglais est mort de la peste, à Paris où il étudiait, qu'il avait 16 ou 17 ans. L'épitaphe ment donc sur son âge. On donne même de la chair à Thomas Craven en reconstituant son visage en 3D (mâchoire pointue, nez cabossé, cheveu long), tel qu’il devait être il y a quatre siècles.
En septembre prochain, tous les chercheurs, les anthropologues et les médecins légistes qui ont travaillé sur Thomas Craven seront invités à une ultime autopsie. Mais après, Thomas Craven ne pourra pas rester dans le frigo à 4 degrés où il est conservé depuis trente ans car il se décompose.
Les scientifiques ont remué terre et ciel pour retrouver des héritiers. Pas évident, car "Craven" c’est comme Dupont ou Durand. Le Times de Londres a été contacté. Mais l’article dans le journal, en décembre dernier, n’a réveillé aucun descendant. Aucun musée non plus. Ainsi 380 ans après sa mort, Thomas Craven - puisqu’il a un nom, une identité (c’est la loi française) - doit donc être réinhumé. Dans un temple, pour respecter ses convictions religieuses anglicanes. Pour Paris, il faudra obtenir une autorisation spéciale.
L’anthropologue Djillali Hadjouis, qui a passé trois dernières décennies à étudier Thomas Craven, assistera à ces funérailles insolites. "C'est unique de voir qu'une découverte archéologique humaine va être inhumée, c'est quand même extraordinaire ! Ce sera une oraison funèbre, on a jamais vu cela : c'est cela le caractère exceptionnel de cette dépouille", s'exclame-t-il. "Le réinhumer, c'est un respect de la personne. Étant donné qu'il a un état civil, il a un nom, il a une tombe", poursuit-il.
"Car Thomas Craven n’est pas un squelette anonyme, ni vestige archéologique comme un autre. C’est devenu un frère", ajoute Bernard Poirier, le chef du service d’archéologie du conseil général du Val-de-Marne, qui a fini par s’attacher. Thomas Craven est un homme du passé qui a resurgi pour mieux nous raconter son temps. C’est pourquoi notre époque tient tant à honorer sa mémoire.
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