Alba Ventura : "Montebourg, César du meilleur ex-acteur du gouvernement"
CHRONIQUE - Arnaud Montebourg a repris "sa" liberté. C'est ainsi que le ministre de l'Économie a présenté sa sortie du gouvernement, après que Manuel Valls a annoncé la démission de son équipe.
Pour le César du "Meilleur ex-acteur du gouvernement", j'ai nommé Arnaud Montebourg pour le film Comment choisir de partir quand on ne vous demande pas de rester ?. L'ancien ministre de l'Économie est exceptionnel, phénoménal. C'est un acteur de grand talent, un comédien hors pair, qui convoque sur scène Saint-Augustin en le citant : "La peur de perdre ce que l'on a nous empêche d'atteindre ce que l'on est". Tellement vrai, tellement courageux, tellement lucide.
Montebourg cite Cincinnatus
Ça, c'est le Montebourg drapé dans sa dignité. "Non, ne me retenez pas ! J'ai raison, vous avez tort. Vous ne voulez plus de moi, je pars !" Ce n'est pas facile d'habiller sa sortie. Mais il est fort, Montebourg. Il invoque aussi Cincinnatus, un homme politique romain, à propos de sa liberté retrouvée.
Il dit : "Je vais faire comme Cincinnatus : je vais retourner travailler mes champs avec ma charrue". Cincinnatus était présenté, parait-il, comme un modèle de vertu et d'humilité. Ce que Montebourg oublie de nous dire, c'est que Cincinnatus est retourné au pouvoir deux fois.
L'art de sortir en politique, c'est comme l'art de la chute au théâtre : parfois ça émeut, parfois ça fait sourire.
Virginité politique
C'est plus qu'un baroud d'honneur. Arnaud Montebourg ne fait pas que livrer un dernier combat pour l'honneur : il tente de se refaire une virginité politique. "Je reprends ma liberté" : la formule est un grand classique en politique, quand vous vous êtes fait virer ou que vous avez échoué. "Je reprends ma liberté", c'est Sarkozy 1999, quand il publie son livre Libre. On connait la suite. "Je reprends ma liberté", c'est pour mieux revenir.
Depuis la primaire socialiste et sa troisième place, Arnaud Montebourg est persuadé qu'il a un chemin et qu'il sera président de la République un jour. Il reste conseiller général de Saône-et-Loire, mais ce n'est pas une tribune comme l'Assemblée nationale.
La question, c'est : avec qui va-t-il construire ? Est-ce qu'il va rejoindre les "frondeurs" ? Est-ce qu'il va s'allier avec Mélenchon, qui prône à son tour une VIème République ? Est ce qu'il peut s'allier avec Martine Aubry ? Ce n'est pas sûr.
Un soliste qui ne sait pas jouer avec l'orchestre
Montebourg, c'est une stratégie solitaire. Montebourg, c'est le coup d'éclat permanent, incapable de faire des alliances. Toutes les alliances qu'il a faites par le passé ont explosé en vol. Montebourg peut faire penser à la fable du scorpion et de la grenouille.
Montebourg, c'est le scorpion, qui demande à la grenouille de l'aider à traverser la rivière sur son dos. Elle accepte en pensant qu'il ne la piquera pas, car ils couleraient tous les deux. Et pourtant, au milieu de la rivière, il la pique. La grenouille demande au scorpion : "Mais pourquoi tu as fait ça ?" Réponse du scorpion : "Parce que je n'ai pas pu m'en empêcher".
On ne voit pas bien où la chevauchée de Montebourg va l'emmener. Il pensait qu'on n'oserait pas le toucher et qu'il détenait le totem d'immunité. Mais Montebourg est un erratique. Il n'a pas réussi à transformer ses 17% de la primaire. Il n'a pas réussi à fédérer..
Il est sans doute un formidable soliste, un soliste créatif, mais il ne sait pas jouer avec l'orchestre.
