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Sapin et Mélenchon renvoient Merkel aux faiblesses de l'Allemagne
Les critiques adressées par Angela Merkel à la France sont mal passées à Bercy et pour Jean-Luc Mélenchon qui ont invité la chancelière allemande à s'occuper de ses affaires intérieures.
Angela Merkel à Berlin, le 18 juillet 2014.
Des critiques qui passent mal. Dans une interview au quotidien allemand Die Welt dimanche, Angela Merkel a tancé la France et l'Italie, jugeant insuffisantes les réformes engagées par François Hollande et Mateo Renzi pour ramener le déficit public des deux pays dans les limites fixées par la Commission européenne. Un discours d'autant plus mal perçu à Paris que Berlin n'en est pas à son premier coup de griffe. Lassé par les atermoiements de la France dans la mise en oeuvre de son plan de réduction des déficits, l'Allemagne n'a de cesse, ces dernières semaines, d'insister sur la nécessité pour le gouvernement de mener à bien ses réformes et de faire preuve de sérieux budgétaire.
Angela Merkel est en campagne, assure-t-on à Bercy. Le ministre français des Finances Michel Sapin voit dans les remontrances de la chancelière allemande une posture électorale en vue de sa réélection à la tête du CDU lors du congrès du parti, dont les militants sont sensibles au discours de rigueur de celle qui dirige l'Allemagne depuis neuf ans. "On sait quelle est à la veille du congrès de son propre parti", a dit Michel Sapin, expliquant que la France menait ses réformes "non pas pour faire plaisir à tel ou tel dirigeant européen mais parce que c'est nécessaire".
Sapin rappelle à Merkel la démographie déclinante de l'Allemagne
Le ministre a également prié Angela Merkel de s'occuper de ses affaires intérieures, la renvoyant aux faiblesses inhérentes à son propre pays. "Moi aussi, il m'arrive de dire des choses sur l'Allemagne. Ça serait bien par exemple qu'ils investissent sur leurs autoroutes qui sont en très mauvais état, a-t-il indiqué, ajoutant que la France jouissait d'une meilleur situation démographique que sa voisine où "il n'y a pas de crèches", où "les femmes travaillent extrêmement peu" et où "il y a des habitants en moins tous les ans".
Érigé en exemple pour ses indicateurs économiques performants depuis les réformes menées par Gerard Schröder entre 2003 et 2005, le modèle rhénan fait en effet désormais figure de colosse aux pieds d'argile en raison de sa démographie déclinante. Population vieillissante, naissances en berne... La première économie d'Europe, qui compte près de 15 millions d'habitants de plus que la France, affiche un déficit de natalité de près de 200.000 habitants par an. Si bien qu'elle devrait être dépassée par son voisin français et passer de 50 à 33 millions d'actifs d'ici à 2060. La part des plus de 65 ans devrait alors atteindre le tiers de sa population et l'Allemagne se trouver confrontée aux contraintes d'une économie de plus en plus tournée vers les seniors.
"D'ici 10 ans, la France sera la puissance dominante du continent", prédisait même le Daily Telegraph au mois d'octobre dernier. "Depuis des décennies, les erreurs en matière de politique publique se succèdent. Les impôts et les structures sociales ont engendré la chute du taux de fécondité du pays. La France peut passer pour l'homme malade de l'Europe, mais les malheurs de l'Allemagne sont plus profonds, enracinés dans son dogme mercantile, la glorification de l'épargne pour son seul intérêt et la psychologie corrosive du vieillissement", avançait le quotidien britannique.
Mélenchon pointe la vétusté des infrastructures et le taux de pauvreté du pays
L'injonction de Jean-Luc Mélenchon à Angela Merkel donne également à voir comment la lassitude hexagonale à l'égard des recommandations de son voisin d'outre-Rhin s'étend au delà du cercle du pouvoir. Exaspéré par les leçons de réformes assénées par la chancelière allemande, le truculent leader du parti de Gauche l'a également invitée à s'occuper de ses affaires, pointant la faiblesse des équipements et la pauvreté qui progresse dans le pays. Deux arguments, repris par le secrétaire d'État italien aux Affaires étrangères Sandro Gozi, qui figurent parmi les plus souvent cités par les détracteurs de l'Allemagne avec la dépendance de son économie aux exportations.
Car si la réforme du marché du travail a permis à l'Allemagne de réduire drastiquement le taux de chômage du pays et d'introduire une flexibilité vantée par de nombreux dirigeants d'entreprises, ce miracle économique s'est aussi accompagné d'un fort développement des inégalités. Selon un rapport publié fin 2013, la pauvreté a atteint un niveau record dans le pays l'an dernier, passant de 12 à 15.2% entre 2000 et 2012, quand la France la voyait diminuer d'un point et sa courbe s'inverser avec celle de l'Allemagne.
Pointée du doigt lors de la crise des dettes souveraines puis celle des subprimes pour son immobilisme, Angela Merkel se voit aussi reprocher un sous-investissement chronique (17% du PIB contre plus de 19% pour la France) dans l'éducation, l'énergie et les transports, où la vétusté des infrastructures est notoire (surtout à l'Ouest). Et si la chancelière semble s'être résolue à investir dans ce domaine, elle ne semble pas prête à sortir du dogme de l'austérité pour autant. Quitte à apparaître isolée sur la scène européenne, à l'heure où de plus en plus de voix appellent l'Allemagne à relancer la croissance par l'investissement.
