Est-il possible de relancer économiquement l'Europe ?

L'Europe entière semble faire crédit à Emmanuel Macron de relancer la construction européenne. C'est en Allemagne que les félicitations ont été les plus vives. Pour deux raisons. D'abord parce que Berlin craint de voir la France s'effondrer, et la monnaie unique avec elle. La voie de réforme progressive du pays ouverte par l'élection de Macron les rassure. Ensuite parce que, cela peut sembler paradoxal, les Allemands ne veulent pas être les seuls à conduire le projet européen. Ils redoutent la position de leader politique, par crainte de déchaîner les critiques des autres européens, en particulier du sud du continent.

Mais il n'y a pas eu que des messages sympathiques. Beppe Grillo, le leader du mouvement des Cinq Étoiles, le principal parti d'opposition italien, hostile à l'union monétaire, a ainsi regretté que l'Europe ait un nouveau gouvernement "issu des banques". Il a vertement stigmatisé "les crétins qui sont les esclaves d'une monnaie impossible". Vous voyez que l'élection de Macron suscite des commentaires contrastés, pour le moins.

Reconstruire une souveraineté mutualisée

Mais comment pourrait-on relancer l'Europe dans un climat aussi divisé ? Rien n'est possible avant l'automne prochain, où se dérouleront les élections allemandes. L'idée de Macron, c'est d'avancer dans deux directions. Un budget de la zone euro tout d'abord, avec un ministre qui en serait responsable. Ce serait une façon de mutualiser certaines dépenses, une partie de la recherche par exemple, l'aide extérieure, pourquoi pas la gestion des frontières communes, qui laisse aujourd'hui grandement à désirer. L'autre idée, qui peut être liée à la précédente d'ailleurs, c'est de créer un fonds européen de défense, pour financer des investissements militaires communs.

Peut-on raisonnablement projeter de nouvelles étapes de l'intégration dans un climat politique aussi divisé ? Le pari de Macron, c'est que oui, si et seulement si cela apporte de la souveraineté européenne. C'est-à-dire le sentiment de protection dans la mondialisation et d'indépendance vis-à-vis des autres puissances. D'où l'idée du fonds de défense.

La défense des frontières extérieures européennes participerait du même principe. Il s'agit non plus de déposséder les nations de leurs pouvoir - ça c'était le mouvement des années 1980 et 1990 -, mais de reconstruire une souveraineté mutualisée, à partir des problèmes qui se posent aujourd'hui. Problèmes géopolitiques, en particulier.

L'idée européenne ne meurt jamais pour toujours

Tout au long du XXe siècle, l'Europe a alterné des phases d'optimisme et de dépression. Après la Première Guerre mondiale, Aristide Briand, alors ministre français des Affaires étrangères, voulait déjà faire les États-Unis d'Europe. Un projet stoppé par la crise des années 1930, et bien sûr par la Seconde Guerre. Le 9 mai 1950, Robert Schuman relance l'idée européenne, qui donnera naissance au Marché unique.

Au début des années 1990, nouvelle interruption, à cause de la récession. Puis redémarrage, avec la monnaie unique. Jusqu'à la grande récession de 2008, dont les effets se font toujours sentir aujourd'hui. L'idée européenne ne meurt jamais pour toujours, mais elle connaît des éclipses. Des éclipses totales ou partielles, suivant les époques.