C'est une grande première. En juillet, le statut d'handicapée a été reconnu par le Tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse à Marine Richard, une femme de 39 ans qui dit souffrir d'électrosensibilité. Originaire de Marseille, l'ancienne dramaturge et documentariste vivait depuis plusieurs années dans les montagnes de l'Ariège pour échapper aux ondes électromagnétiques.
Pour la jeune femme, tout commence lorsqu'elle se plaint de "maux de têtes insoutenables" et d'insomnies dont elle n'identifie pas la cause. Un ami lui suggère le lien entre ces symptômes et le wifi dans son appartement. Lorsqu'elle le débranche, elle dit se sentir mieux. Plus tard, elle commence à ressentir les mêmes effets lorsqu'elle utilise son téléphone portable. Des symptômes qui s'aggravent, à tel point qu'en quelques semaines, elle ne peut plus dormir chez elle. "Un étau m'écrasait le cerveau", témoigne-t-elle. Marine Richard décide alors de quitter son environnement urbain pour s'installer dans un endroit isolé, loin des émissions d'ondes électromagnétiques. Pas de téléphone, ni d'électricité : Marine Richard dit avoir du "complètement réorienter (sa) vie".
Le docteur Pierre Biboulet est l'expert médical qui a été désigné par le tribunal de Toulouse pour cette affaire. "La symptomatologie disparait dès que les causes sont éliminées ; mais cette élimination impose un mode de vie et des sacrifices qui ne permettent pas la moindre suspicion de simulation", détaille-t-il dans sa note au tribunal. Un diagnostic qui s'appuie donc sur les effets (une vie dans un endroit reculé, l'arrêt de travail) et non sur les causes des symptômes décrits par Marine Richard, ce qui ne permet toujours pas de mettre en lumière un lien médical entre les ondes et les symptômes. "J'ai adopté une démarche humaine pour ne pas dire humaniste. Je suis allé à la rencontre de Marine Richard (...) et elle m'a convaincu qu'elle était malade", explique-t-il à Sciences et Avenir.
Le Dr Biboulet le précise cependant : cette décision a été prise au cas par cas. "À l'heure actuelle, il n'y a pas de données acquises, avérées", précise-t-il. Car la question de l'électrosensibilité est, à proprement parler, électrique. Bien que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reconnaisse l'existence de symptômes ressentis par certains individus, aucun lien entre ces symptômes et l'exposition aux champs et ondes électromagnétiques n'a encore été prouvé. C'est pourquoi sa dénomination officielle est celle d'intolérance environnementale idiopathique, c'est-à-dire qu'on ne peut pas lui attribuer de causes connues.
Du côté de la recherche, l'électrosensibilité reste un énorme point d'interrogation. La quasi-totalité des études réalisées, pour lesquelles les patients sont exposés à des champs électromagnétiques tantôt réels, tantôt simulés, ont montré que les individus qui se jugent hypersensibles sont incapables de distinguer la différence entre les deux. Certains chercheurs estiment donc que ce trouble résulterait d'un effet nocebo : l'effet psychologique lié à l'utilisation d'une substance - ici, les ondes électromagnétiques - que l'on considère comme dangereuse. Une hypothèse renforcée par la grande variété des symptômes rapportés par les électrohypersensibles : maux de tête, vertiges, démangeaisons, insomnies... Des symptômes dont les causes peuvent être très diverses (stress, carences alimentaires, mauvaise hygiène de vie...). Pour autant, hormis ces études en double aveugle qui fonctionnent toutes sur le même principe, bien peu d'autres recherches ont pour l'instant été menées.
Ainsi, que l'électrosensibilité soit ou non reconnue comme une maladie par l'OMS, elle met en lumière l'angoisse générée par la prolifération d'ondes électromagnétiques. Mais cette peur est-elle vraiment fondée ? Selon une autre étude publiée par l'INSERM de Bordeaux en mai 2014, il existerait bien des effets néfastes des ondes électromagnétiques sur la santé mais dans des proportions en bien différentes que celles dont se plaignent les électrohypersensibles. Une utilisation prolongée, sur une vingtaine d'années du téléphone portable, augmenterait le risque de tumeurs au cerveau. Une maladie aux symptômes d'ailleurs souvent différents de ceux énoncés par les hypersensibles : céphalées, crises d'épilepsie, troubles de la vision ou de l'audition, pertes de mémoire, paralysies partielles... En attendant, Marine Richard est l'exception française. Reconnue comme handicapée à 87%, elle bénéficiera d'une pension et se verra rembourser l'équivalent de deux ans d'arriérés.
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