D'ici un an, vous pourrez demander à votre commerçant de vous donner de l'argent liquide. En gros, vous achetez deux baguettes chez le boulanger et il vous donne 50 euros en monnaie en plus. Le boulanger devient un distributeur de billets. Et c'est assez anachronique, voire paradoxal.
On s'oriente petit à petit vers une société sans cash. C'est déjà le cas dans certains pays du Nord, comme la Hollande. Quelque 60% des paiements en Grande-Bretagne se font par carte bancaire. C'est la moitié en Pologne et en République tchèque.
Mais La France se distingue en remettant du cash en circulation et en étant quasiment le dernier pays à faire encore des chèques. Sept chèques sur dix signés en Europe viennent de France. C'est quatre fois plus que les Anglais et dix fois plus que les Italiens.
Une exception bancaire à la française ? La France de Voltaire et Hugo, de Colbert et Necker (les ministres des Finances) ? Même pas ! Aujourd'hui l'argent liquide représente 55% des transactions, mais 5% des montants. Cela veut dire qu'on utilise vraiment la monnaie pour les petits achats du quotidien.
Qui plus est - et c'est là qu'il y paradoxe - on augmente le plafond du paiement sans contact de 20 à 30 euros. En 2017, on a dépassé le milliard de transactions pour les petits achats et on va multiplier le chiffre par trois cette année. C'est inéluctable. Petit à petit, avec les smartphones et le déploiement des banques en ligne, on fait disparaître les pièces jaunes et les billets de nos poches.
Donc mettez-vous deux secondes à la place du commerçant. D'un côté, il voit s'envoler le paiement sans contact qui lui permet d'avoir moins d'argent en caisse. Cela l'arrange, car il est moins la cible potentielle de braqueurs. Et dans le même temps, on va lui demander d'avoir une réserve de billets pour pouvoir dépanner ses clients. Cherchez la logique !
Accessoirement, c'est un formidable bon de sortie pour les banques qui peuvent fermer leurs agences dans les campagnes (ce qu'elles font déjà !) puisqu'on a un système de substitution. C'est oublier un peu vite qu'un cœur de ville sans agence bancaire et sans distributeur de billets, c'est très vite un cœur de ville sans commerce.
Cette circulation de monnaie hors du réseau bancaire risque de servir aux économies parallèles
Martial You
Cela risque aussi de favoriser le blanchiment et l'argent de la main à la main. Ce n'est pas du "cashback", c'est du "cashblack". C'est évidemment beaucoup moins sécurisé que des paiements par carte dont on garde une trace. On peut redouter que cette circulation de monnaie en dehors du réseau bancaire serve surtout aux économies parallèles.
Pourquoi alors avoir recours à ce système ? Ce sujet, c'est une parfaite illustration de la France des grandes villes et de celle de la désertification rurale (la "France périphérique"). La "France périphérique" n'a pas les périphériques de paiement. Et plus on donne d'activité annexe aux commerces de proximité, plus on sauve ces petits magasins.
Du coup, ça peut donner du sens à une telle démarche. Pour déployer le paiement sans contact, il faut une bonne connexion 4G ou de l'Internet haut débit aujourd'hui. C'est un système très mal adapté aux "zones blanches" qui existent encore dans le pays.
De plus, on arrive aujourd'hui à maintenir des commerces de proximité dans les villages en les faisant devenir des "points service", où vous avez la pompe à essence, le pain, la viande, l'épicerie, le bureau de tabac et le bureau de Poste. Dans ces conditions, offrir la possibilité de retirer un peu d'argent liquide en plus de ses courses quotidiennes, c'est comme le Compte-Nickel ou le dépôt de pain.
La France est schizophrénique. Elle veut des banques et des services digitaux pour les urbains, et elle cherche à maintenir la vie en campagne. La seule réponse : c'est de déployer correctement la fibre partout où la 5G pour permettre à tout le monde de bénéficier d'un Internet haut débit, car on n'arrêtera pas la digitalisation des services.
Maintenir les "pièces jaunes et les billets de 20 euros à la campagne", c'est un peu désuet. On peut aussi s'inspirer du modèle indien qui a aussi des zones sans Internet. Là-bas, les banques rurales qui maintiennent des services de proximité touchent plus de commissions sur les transactions que les autres banques. Ça s'appelle les "commission inclusion".
Cela permettrait de récompenser les Crédit Agricole, Crédit Mutuel ou Banque Postale, qui sont les derniers à maintenir des réseaux en milieu rural.
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