Isabelle Morini-Bosc : "La vigueur et la valeur de la création française sont trop souvent niées"

Avec ces frictions autour de la fiction, me voilà proche de l'affliction ! Cela rime pour des polémiques qui, elles, ne riment souvent à rien. Pardon, dès lors, de citer un camarade qui, ce matin, m'a encore seriné que les fictions françaises d'aujourd'hui sont aussi "minables" que celles d'autrefois, face aux "productions américaines même standard".

Outre le fait que de plus en plus d'acteurs, comme Michèle Laroque ou Samuel Le Bihan, affirment recevoir plus de projets intéressants "de la télé que du cinéma", on peut noter l'absurdité d'un tel propos au moment où Dix pour cent et Une chance de trop cumulent "performances d'audience et récompenses". Sans oublier la parodie Au service de la France, qui a séduit près d'un million de téléspectateurs jeudi dernier sur Arte, et qui pourrait faire plus encore ce soir, avec quelques séquences bientôt cultes. Comme celle où les agents des services secrets argumentent pour conserver la "prime de Vichy", une sorte de "carte de transports avec réduction" créée durant l'occupation sur les trajets réguliers Paris-Vichy, Vichy-Paris ! Les faits sont historiquement justes et les dialogues forcément culottés sur cette période où une partie des Français s'était précisément déculottée.

"Profilage", une intrigue policière solide

Ce n'est d'ailleurs pas à prendre comme une critique facile sur ces années où la population française a été, comme on le voit dans Un village français, très occupée (c'est parfois les circonstances qui faisaient de vous "un héros ou un salaud" !). On rappelle d'ailleurs la visite du patron du CSA Olivier Schrameck sur le tournage de cette production hors normes prouvant à elle-seule déjà, la vitalité du secteur. Cela ne concerne d'ailleurs pas le seul service public, TF1 ayant naguère proposé un très bon feuilleton sur la résistance qui n'a, hélas, pas rencontré le succès, un succès que la chaîne méritait pourtant également. C'est un peu comme si le public niait à TF1 le droit de proposer des "œuvres indispensables au devoir de mémoire".

Dommage. TF1 avait ainsi programmé une spéciale intelligente mais peu suivie, sur Bastien Thiry et l'attentat du Petit Clamart contre de Gaulle, son insuccès n'enlevant rien à sa qualité. On rappelle d'ailleurs au passage qu' "absence d'audience" ne sous-entend pas systématiquement "absence de talent". Ça se saurait, si la programmation était toujours une science exacte et le téléspectateur un bon petit soldat constamment fidèle au poste. Mais revenons-en au sujet initial, la vigueur et la valeur de la création française, "or donc" encore trop souvent niée. C'est assez regrettable, au moment précis où Un fils a rassemblé plus de 5.000.000 de téléspectateurs sur France 2, face aux nouveaux épisodes d'Esprits criminels qui en séduisaient hier près de six.

Et ce serait injuste pour finir de ne pas citer les scénaristes et autres diffuseurs, à qui il arrive aussi de savoir se remettre en cause. C'est arrivé après la diffusion de la 5ème saison de Profilage. Suite aux réactions de colère de nombreux "aficionados" après une fin grotesquement sanglante, les auteurs sont revenus aux fondamentaux: Intrigue policière solide, héroïne perturbée mais surdouée...et de nouveau vêtue d'habits si bariolés qu'ils pourraient faire mourir d'épuisement un caméléon, qui, on le sait, prend la couleur du fonds sur lequel il est posé. Comme son héroïne Chloé Profilage, vendu à 83 pays, a de nouveau...beaucoup de tenue(s) !