"Life Is Strange", la sensation "indé" et française de l'année vidéoludique

Le 30 janvier 2015, le premier épisode de Life Is Strange, jeu vidéo d’aventure en cinq volets, sortait sur PC et les consoles de salon de Microsoft (Xbox 360/One) et de Sony (Playstation 3/4). Au sein d’une industrie où les principaux éditeurs ne prennent guère de risques et misent surtout sur le développement de franchises déjà existantes et très lucratives, ce titre du petit studio français Dontnod Entertainment (soutenu par le grand éditeur japonais, Square Enix) avait de quoi intriguer. D’abord avec son format épisodique peu commun qui n’est pas sans rappeler celui des séries télévisées. Puis avec cette promesse que les décisions à prendre au cours de l’histoire auront des répercussions sur la suite du scénario. Mardi 20 octobre, soit près de dix mois plus tard, le cinquième et dernier épisode a vu le jour et conclut en apothéose Life Is Strange, qui s'impose comme une petite merveille du genre.

Dans ce jeu sous-titré en français (il n'existe pas de doublage en VF) à destination d'un public âgé de plus de 16 ans, le héros est une héroïne : Maxine Caulfield (ou plutôt Max). Passionnée de photographie, cette Américaine de 18 ans prend ses cours à l’université Blackwell, dans la petite ville d’Arcadia Bay. Située dans l'État de l'Oregon, cette petite cité côtière semble paisible à la vue de son paysage pittoresque mêlant mer et forêt. Les habitants ont néanmoins tous à l’esprit l'inquiétante disparition d’une autre étudiante du campus. Un mystère qui travaille également la protagoniste au caractère plutôt introverti mais aussi très chaleureux avec son cercle rapproché. Tout bascule lorsque Max découvre qu'elle peut remonter dans le temps, au moment même où elle surprend l'agression de sa meilleure amie. Une vision prémonitoire lui révèle en plus qu'une tornade s'apprête à dévaster Arcadia Bay. Cette histoire intimiste navigue ainsi entre un bon teen movie porté sur un univers très féminin et un sombre thriller.

L'art du flashback

Pour raconter l'histoire, le jeu alterne les scènes dans lesquelles le joueur dirige Max et les cinématiques où des choix sont bien souvent à prendre entre plusieurs répliques de dialogue. Si cela peut s'apparenter à un film interactif, à l'instar de Heavy Rain, le joueur conserve l'impression d'être un acteur impliqué. Il a en effet toute la liberté de faire interagir son personnage avec ses camarades, les autres habitants d'Arcadia Bay et l'environnement qui l'entoure. Ainsi, l'étudiante peut très bien engager des discussions avec tout le monde ou s'adonner à son activité fétiche consistant à capturer des photos Polaroid. Il y a donc de quoi s'occuper et flâner avant de faire avancer l'intrigue en accomplissant un objectif précis.

La grande particularité du jeu, c’est qu’il exploite avec ingéniosité cette faculté de Max de voyager dans le temps. À tout moment ou presque, le joueur peut revenir en arrière et annuler ses précédentes actions en appuyant simplement sur une touche pour rembobiner l'histoire. Une information apprise au beau milieu d’une conversation peut, par exemple, être utilisée dès le début de celle-ci grâce à un flashback. Des énigmes sont même spécialement conçues pour être résolues de cette manière.

En fonction des actions et décisions engagées, le joueur peut donc influencer la suite d'une trame globalement bien définie, les développeurs expliquant qu'il est trop compliqué de créer une multitude de ramifications. Certains événements importants peuvent se produire ou non et c'est bien souvent le joueur qui doit trancher dans des dilemmes le mettant face à sa morale. À l'issue du dernier épisode, Max peut librement choisir entre deux fins de haute volée. Il aurait toutefois peut-être été plus judicieux de faire en sorte que l'accumulation des décisions prises tout au long du jeu dictent le fin mot de l'histoire.

Une ambiance "indé" assumée

Travaillé sur le fond, Life is Strange présente aussi un bel emballage. Il allie un des meilleurs moteurs graphiques existants (Unreal Engine 3) à une appréciable touche d’artiste peintre au vu des couleurs aquarelles utilisées. Un côté "indé" qui se traduit aussi dans la bande-son très inspirée. Elle comporte notamment du alt-J, Breton, Angus & Julia Stone et des musiques écrites par le Français Jonathan Morali, dont le groupe Syd Matters a composé le splendide To All Of You entendu comme hymne du premier épisode.

Life Is Strange s’impose donc comme un must-have, d’autant qu’il ne coûte pas très cher (19,99€ sur la plateforme de téléchargement Steam). Le jeu aurait pourtant pu ne jamais voir le jour. Après avoir essuyé un échec commercial avec son premier titre Remember Me, le studio Dontnod Entertainment avait été placé en redressement judiciaire au début de l’année 2014. Ce projet avait toutefois fini par convaincre Square Enix de le soutenir et donner vie à Max Caulfield, voire d'une éventuelle deuxième saison avec un nouveau "casting". L'été dernier, à l'E3, les producteurs n'ont pas fermé la porte à cette possibilité.

Les plus

Un scénario travaillé
Des personnages féminins attachants
La bande son et des voix réussies
Le concept de voyage dans le temps bien exploité
Un prix raisonnable
Les choix à faire tout au long de l'histoire...

Les moins

...mais qui manquent un peu d'impact sur la fin
L’absence de doublage en VF pour les allergiques aux sous-titres
Uniquement disponible en téléchargement

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