Cela fait des semaines que les magistrats, les avocats et les greffiers crient dans le désert. Le Tribunal de Bobigny, qui est le deuxième plus important de France en terme de volume d'affaires à traiter, est cruellement sous-équipé. Il manque 24 juges, autrement dit un tiers des effectifs. Les avocats, et c'est du jamais vu, ont décidé d'attaquer l'État pour déni de justice. Les délais sont devenus insupportables. Cindy Hubert a mené l'enquête sur place.
Direction le deuxième étage, aux affaires familiales. Pour divorcer ici, comptez au moins deux ans. À Paris, les délais sont de trois mois. Dans le couloir, Sonia patiente pour sa toute première audience de conciliation. 14 mois d'enfer : l'homme qui est encore officiellement son mari la menace quotidiennement. "Vu que je n'ai pas l'ordonnance de conciliation, il peut revenir au domicile comme il le souhaite, il n'y a pas d'interdit, il n'y a rien, je n'ai aucune protection. On n'a pas de vie, on n'avance pas, on est bloqué, on est dans la terreur, on est en attente. On a l'impression qu'on s'en fout des gens, qu'on s'en fout de leur vie", explique Sonia à bout.
C'est toute la justice du quotidien qui trinque : les dossiers de surendettement, les prud'hommes, le tribunal pour enfants. Partout, il faut attendre plus d'un an avant de voir un juge. "On est obligé de dire aux gens présents aux audiences 'oui oui c'est bien 2017, vous avez bien entendu'", soupire Sophie Combes, la vice présidente du tribunal de grande instance : juge de l'exécution et déléguée régionale du syndicat de la magistrature.
À l'instruction, deux postes ne sont pas remplacés. Les magistrats ont fait leurs calculs : 160 dossiers ne seront plus traités, y compris des dossiers criminels. Le risque est que certaines affaires "tombent", explique le bâtonnier Stéphane Campana. "Il y a des dossiers où on voudrait poursuivre, mais on a pas le temps de poursuivre dans les délais et ils finissent pas être prescrits. Donc les poursuites, c'est terminé et c'est ce qui fait que des gens qui ont commis des infractions, se trouvent face à une certaine impunité. Après tout, ils peuvent recommencer !", déplore-t-il.
Nous sommes obligés de faire la guerre
Le bâtonnier Stéphane Campana
Mais la misère de la justice se mesure aussi à d'autres petites choses. Il suffit de déambuler dans les couloirs. Des cartons s'empilent jusqu'au plafond, certains à moitié éventrés. Des archives qui devraient être numérisées, mais personne n'a le temps de le faire. Un peu plus loin, dans un petit bureau, on retrouve Maryse Boyer. Pour cette greffière, la misère de la justice c'est aussi le manque de fournitures : plus d’agrafes, plus de papiers. "On attend le nouveau stock. Donc parfois on met les délibérés plus loin pour être sûr de pouvoir faire le jugement", confit Maryse Boyer. En clair, quand il n'y a plus de papier, parfois, on repousse la date de jugement.
Aujourd'hui, les avocats de Seine-Saint-Denis protestent contre ces délais qui sont devenus insupportables. Ils attaquent l'État pour déni de justice. Une action spectaculaire, orchestrée par Stéphane Campana. "Nous sommes obligés de faire la guerre. Tout un barreau décide de prendre dans chacun des cabinets les dossiers les plus criants. J'espère que ça fera réagir", lance Maître Campana. Des assignations en masse : 500, peut être un millier. Cela pourrait obliger l'État à payer des dommages et intérêts à leurs clients.
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