Bonjour à tous !
Nous consacrons l'émission d'aujourd'hui au témoignage d’un avocat
général qui décrit, dans un livre sans langue de bois, son quotidien de
magistrat.
Luc Frémiot est actuellement Avocat Général des Cours d'Assises du Nord et du
Pas-de-Calais. Il est connu pour sa franchise et pour son engagement contre les
violences conjugales.
C’est lui qui est à l’origine d’une expérience
dont on a beaucoup parlé, lorsqu’il a décidé de placer les maris brutaux dans
des foyers de sans-abri pour les pousser à réfléchir à leurs actes, en les
interdisant de domicile conjugal.
Il n’a pas hésité non plus à requérir
l’acquittement d’une femme battue qui avait fini par poignarder son mari.
Avec lui, nous revenons sur son quotidien de
magistrat, ancien Juge d’Instruction, ancien Procureur de la République et
maintenant Avocat Général.
Avec lui nous allons évoquer quelques-unes des
grandes affaires et des procès qui l’ont profondément marqué au cours d’une
carrière bien remplie !
Jacques Pradel
Actif au début de l'année 1996, " le Gang de Roubaix
" s'est rendu responsable de plusieurs braquages, d'un meurtre et d'une
tentative d'attentat. La plupart des membres du gang ont combattu en Bosnie durant
la guerre en Yougoslavie (1994-1995) au sein
de milices défendant la cause musulmane. Plusieurs y ont été instruits par
Abdelkader Mokhtari (alias Abou El-Maali), un Algérien, qui sera plus tard
soupçonné de diriger plusieurs cellules terroristes.
Le 29 mars 1996, le lendemain d'une tentative d'attentat
à la voiture piégée contre un commissariat à Lille lors d'une réunion
du G7, le RAID tente d'arrêter les membres du gang en donnant l'assaut de leur
appartement, situé au 59 rue Henri Carette à Roubaix. Mais quatre membres du groupe
meurent dans l'incendie qu'ils ont déclenché à la grenade et deux policiers
sont sérieusement blessés. Lors de leur fuite, deux membres du groupe sont repérés
par les gendarmes belges. Christophe Caze, considéré comme le leader, est tué
sur l'autoroute Lille-Gand tandis qu'Omar Zemmiri parvient à s'échapper.
A l'ouverture du procès du Gang de Roubaix le 2
octobre 2001, seul trois des membres comparaissent : Omar Zemmiri, Mouloud
Bouguelane et Hocine Bendaoui. Le dispositif de sécurité autour du tribunal est
totalement inédit. Nous sommes trois semaines après le 11 septembre : Le
contexte est totalement défavorable aux accusés. Durant trois semaines, Omar
Zemmiri nie tandis que ses co-accusés minimisent leur implication. Le
réquisitoire de Luc Frémiot, qui durera près de quatre heures, se termine dans
une déclaration on ne peut plus claire à destination des trois accusés : "
La liberté n'est pas pour vous. Vous l'avez prostituée sur le lit de votre
violence ". Omar Zemmiri, Mouloud Bouguelane et Hocine Bendaoui écoperont
de 28, 20 et 18 ans de prison ferme.
Omar Zemmiri fait appel de la décision et est rejugé
le 15 décembre 2003 à Paris. Coup de théâtre le premier jour de son procès :
Lionel Dumont, un autre membre du gang, est arrêté en Allemagne. La peine
d'Omar Zemmiri est ramenée à 15 ans de prison. Lionel Dumont, qui avait été
condamné par contumace à la perpétuité, est de nouveau jugé en décembre 2005
devant les Assises du Nord. Face à lui, toujours le même avocat général : Luc
Frémiot. Il requiert 30 ans de prison, les jurés le suivent. Lionel Dumont fait
appel de la décision et voit sa peine réduite à 25 ans lors de son nouveau
procès à Paris en 2007.
Seddik Benbahbouli, condamné à 20 ans de prison par
contumace, est quant à lui toujours en cavale…
Le 23 mars 2012, la Cour d'Assises du Nord suit les
réquisitions atypiques de l'Avocat Général et acquitte Alexandra Lange, une
femme battue de 32 ans qui avait tué son mari en 2009 lors d'une dispute
conjugale.
Cet avocat général, c'est Luc Frémiot et il a été particulièrement
marqué par cette affaire et notamment par le fait que tout le monde, dans
l'entourage d'Alexandra, savait ce qu'elle subissait sans pour autant réagir. Dans
son réquisitoire, il avait imploré la cour d'acquitter Alexandra. " Ce procès vous dépasse ", lance-t-il à l'accusée, " parce
que, derrière, il y a toutes ces femmes qui vivent ce que vous avez vécu (...),
le bruit de ces pas qui montent l'escalier et qui nous font comprendre chaque
soir que quand il rentre du travail (...) le danger rentre à la maison ".
Aux côtés d'Alexandra, dans le box des accusés, se
trouve Marc, son père, jugé pour avoir placé un couteau dans la main de son
gendre mort, dans l'espoir d'atténuer les charges contre sa fille. Ils sont tous
les deux reconnus coupables de " modification illicite de la scène de crime " et
condamnés à de la prison avec sursis.
A l'issue du verdict, les avocates d'Alexandra Lange
se montrent extrêmement satisfaites de ce verdict exceptionnel, espérant
qu'il servira pour le combat contre les violences conjugales.
Le 30 juin 1994, Mohamed Kerzazi, imam de la mosquée Dawa
de Roubaix, pratique une séance d'exorcisme sur Louisa Lardjoune, 19 ans, à la
demande de sa famille, qui la croit possédée par le démon. L'imam, assisté de
Tahar Lardjoune, le frère de la jeune fille, et de Morad Selmane, le président
de la mosquée, fait boire plusieurs litres d'eau salée à Louisa et lui immerge,
à plusieurs reprises, la tête dans une bassine d'eau avant de lui flageller les
pieds et de lui enfoncer une serviette dans la bouche. La victime, tombée dans
le coma, meurt le lendemain à l'hôpital.
L'affaire
fait la une des journaux. Le nouveau maire de Roubaix, René Vandierendonck, annonce
qu'il se porte partie civile pour faire toute la lumière sur le fonctionnement
de la mosquée Dawa. Parallèlement, les autorités musulmanes condamnent cet
exorcisme qui a mené à la mort de Louisa, " un acte barbare, en totale contradiction
avec notre religion " déclarera Dalil Boubakeur, recteur de la Grande
mosquée de Paris.
Le 3 juin 1997, c'est cette affaire
exceptionnelle qu'a à juger la Cour d'Assises de Douai. L'imam Kerzazi est
accusé d'actes de torture
et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Morad
Selmane et Tahar Lardjoune sont, quant à eux, poursuivis pour complicité. Le
procès dure quatre jours. Quatre jours durant lesquels la Cour sera plongée
dans un monde inconnu. A la barre défilent des personnalités religieuses comme
l'imam Katabi de la mosquée de la Croix-Rouge à Tourcoing, Dalil Boubakeur, recteur
de la Grande Mosquée de Paris ou encore l'abbé Maurice Bellot, prêtre
exorciste. Hakim Hassan, auteur d'une thèse sur Satan dans le Coran et Roland
Geadah, anthropologue, psychologue et historien sont également entendus. Plus
surprenant, d'anciens " patients " désenvoutés par Mohamed Kerzazi
viennent témoigner pour défendre l'imam.
Les accusés parviennent à convaincre qu'ils ont agi en croyant sincèrement œuvrer
pour le bien de Louisa. L'avocat général, Luc Frémiot, reconnaît la bonne foi
des trois hommes dans le box et ne retient contre l'imam Kerzazi, que les coups
et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner, et non pas les
actes de torture et de barbarie. Il requiert à son encontre 7 à 10 ans de
prison. Pour Morad Selmane, à qui il reproche sa curiosité malsaine, il demande
une peine de 5 ans. Pour le grand frère de Louisa enfin, le magistrat demande
l'acquittement. " Vous étiez perdu, à la dérive, descendez de ce box
où vous n'avez rien à faire. " lance-t-il à Tahar Lardjoune.
Mohamed
Kerzazi et Morad Selmane sont condamnés respectivement à 7 et 4 ans de prison.
Tahar Lardjoune est acquitté. A l'issue du procès, une sœur de Louisa déclarera
à Nord Eclair : " Les blessures restent mais je dois rendre hommage
au remarquable réquisitoire de l'avocat général. Il a replacé l'affaire dans
son contexte. Envers les deux autres condamnés, je n'ai pas de haine. Ils ont eu
la peine qu'ils méritaient. "
Juin 2009. Anne-Sophie Faucheur signale la disparition
de sa fille de 5 ans, Typhaine. La fillette aurait été enlevée en pleine rue.
Pendant des mois, Anne-Sophie et son compagnon, Nicolas Willot, montrent à la France
entière le visage d'un couple éploré. Rapidement soupçonné par les enquêteurs,
le couple craque finalement en garde-à-vue et avoue la mort de la petite fille
suite à une série de coups violents. Enterré nu, le corps de l'enfant martyr est
retrouvé sur les indications de son beau-père dans une forêt de la banlieue de
Charleroi en Belgique. Malgré l'état de décomposition avancé du corps, de
multiples traces de violences corporelles sont relevées. Le récit des dernières
heures de la fillette fait froid dans le dos : une succession de coups de
poings et de coups de pieds, la mère allant jusqu'à chausser une paire de
baskets pour frapper sa fille plus durement, suivis d'une douche froide et du
décès de Typhaine dans le bac à douche.
Avocat Général lors du procès devant les Assises de
Douai en janvier 2013, Luc Frémiot souligne qu'Anne-Sophie Faucheur et Nicolas
Willot sont " indissolublement liés " par un pacte maudit pour la
souffrance de cette gamine, le bouc émissaire dont il faut se débarrasser
". La mort de l'enfant était " inévitable " selon lui.
La mère et le beau-père de Typhaine sont finalement
condamnés à une peine de 30 ans de réclusion criminelle, assortie d'une période
de sûreté de 20 ans.
Quand Sandra Lecoeuche disparait le soir du 15 janvier
1999, à Ronchin, près de Lille, tout son entourage se mobilise. Sa disparition
est incompréhensible. Pour tous, la jeune assistance sociale de 21 ans s'est
" volatilisée ". 12 jours plus tard, des morceaux d'un bracelet appartenant
à Sandra sont retrouvés dans la cave de Jean-Paul Mondon, son voisin, déjà épinglé
pour une affaire de viol. Il faudra
attendre encore deux mois pour que les restes éparpillés de son corps soient
retrouvés dans les eaux d'une rivière proche, la Deûle, sur les
indications de Jean-Michel Mondon, le frère aîné du principal suspect, lui
aussi condamné pour viol. A ce moment-là,
il affirme avoir aidé son benjamin à se débarrasser du corps mais, dit-il,
c'est bel et bien son frère qui a tué et découpé la jeune femme.
A l'ouverture du procès devant les Assises du Nord,
Jean-Michel Mondon comparait libre, contrairement à son frère détenu. Pendant
tout le procès, les deux frères ne cesseront de se rejeter la faute,
s'invectivant à plusieurs reprises devant l'auditoire. Le 21 décembre 2002, la
Cour condamne finalement Jean-Paul Mondon à 30 ans de prison pour meurtre et
son frère Jean-Michel à deux ans de prison et 30 000 € d'amende pour recel de
cadavre.
Luc Frémiot, Avocat Général
lors de ce procès, avait demandé la perpétuité contre Jean-Paul et 30 ans de prison
contre Jean-Michel. Le magistrat s'est appliqué à détruire la thèse selon
laquelle Jean-Michel n'est coupable que de recel de cadavre. Pour lui, si
Jean-Michel Mondon n'a pas participé à l'enlèvement de Sandra Lecoeuche, il était bien là au moment de sa mort. En
témoigne son changement de chaussures contre des tongs alors même qu'on se
trouvait en plein hiver. " Ses
chaussures étaient tachées de sang. Il était donc là quand la victime est morte, car un cadavre ne saigne pas. "
a simplement expliqué l'Avocat Général pour qui Jean-Michel est également
responsable du viol de Sandra.
Dans son livre " Je vous laisse juges... ", Luc Frémiot raconte son entrée dans le monde de la justice, les
grandes affaires qui ont marqué sa carrière ainsi que sa lutte contre les violences familiales.
Invité : Luc Frémiot, ancien Procureur de la
République de Douai, puis Substitut Général à la Cour d’Appel de Douai, actuellement Avocat Général auprès des Cours d’Assises du Nord et du Pas-de-Calais
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