Élizabeth Martichoux : "Le pacte de responsabilité pour les nuls"
CHRONIQUE - Le pacte de responsabilité, c'est désormais l'arme ultime du gouvernement contre la montée inexorable du chômage. Petite séance de révision en cinq mots.
La série noire continue pour le gouvernement : le nombre de demandeurs d'emploi sans activité a encore grimpé en janvier et atteint le niveau record de 3,31 millions, et Michel Sapin repousse désormais à fin 2014 l'objectif d'un reflux.
Pour inverser enfin la courbe et pour créer des emplois, tous les espoirs de François Hollande reposent désormais sur le pacte de responsabilité. À la veille d'une réunion cruciale entre partenaires sociaux, petite séance de révisions de nos connaissance sur le sujet. Vous connaissez cette collection de livres La philo pour les nuls, L'histoire pour les nuls, Les maths pour les nuls. Voici en condensé Le pacte de responsabilité pour les nuls, avec cinq mots clefs pour mieux comprendre.
Cadeau
Le premier mot, c'est "cadeau". Qui avait compris, en écoutant le président de la République pendant ses vœux et sa conférence de presse, quelle serait l'ampleur des baisses de charge ? 10, 20, 30, 40 : on a tous jonglé avec les dizaines de milliards. Finalement, récemment, le brouillard s'est dissipé en partie.
Le "cadeau " aux entreprises, c'est le Crédit d'impôt compétitivité (CICE, + 10 milliards). Initialement, le président n'avait pas été clair. Aujourd'hui encore, qui sait à quel type d'entreprises seront accordées les baisses et où seront trouvés les 10 milliards pour les financer ? C'est flou, mais le coup politique avait été réussi.
Chiche !
Le deuxième mot, c'est "chiche !". Une interjection qui signifie qu'on est prêt à relever le défi. Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Bruno Le Maire, Frédéric Lefebvre, François Baroin (tous UMP) se sont écriés "chiche, faites-le monsieur le président ! Baissez les charges et les dépenses, on vous suivra". La droite peut-elle critiquer un tel programme ? Non. D'où l'accueil un peu sidéré réservé par la droite au pacte de responsabilité.
En fait, François Hollande a fait ce qu'on appelle en politique une "triangulation". Cela consiste à reprendre les propositions de ses adversaires politiques à son compte, en étant en position, contrairement à eux ,de les faire aboutir. Nicolas Sarkozy avait utilisé cette stratégie face à Ségolène Royal en 2007.
Contreparties
Le troisième mot, c'est "contreparties". Tout le monde en parle, mais personne ne dit la même chose. Ces contreparties doivent compenser les baisses de charges offertes aux entreprises. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de la rencontre prévue vendredi entre les partenaires sociaux.
Politiquement, les contreparties, c'est surtout un message de François Hollande à la gauche de la gauche, qui goûte peu sa politique de l'offre. Comme le président opère un virage économique sans engager pour autant une recomposition de sa majorité, il doit ménager cette gauche dure en lui promettant un vrai donnant-donnant.
En attendant, certains ne se gênent pas pour critiquer. C'est passé un peu inaperçu, mais Cécile Duflot, samedi dans Le Monde, n'a pas seulement soutenu la manifestation anti-aéroport de Nantes. Elle a aussi tapé sur la pacte. "C'est un moyen, pas une orientation, a-t-elle estimé. Le vrai pacte, c'est celui qui permettra la transition écologique (...). Soyons moins frileux", etc.
Pour l'instant, la ministre du Logement peut tout dire, tout s'autoriser, sans craindre d'être remerciée. Car François Hollande - il l'a encore dit récemment - souhaite un vote sans bavure du pacte par sa majorité.
Coïncidence
Le quatrième mot, c'est "coïncidence". Le gouvernement presse les partenaires sociaux de s'entendre, et vite, pour conclure fin mars le volet contreparties. Coïncidence, c'est le deuxième tour des élections municipales, le 30 mars justement. Si le gouvernement peut afficher des résultats sur ce dossier, ce sera un bon message pour tenter de mobiliser les électeurs.
Courage
Cinquième et dernier mot de ce mini-dictionnaire : "courage". Où trouver 50 milliards d'euros d'économies avant 2017 ? Le gouvernement, qui ne parvient pas à faire baisser le chômage, devra rendre des comptes à Bruxelles en avril sur sa trajectoire budgétaire (dépenses, recettes, déficit, endettement...).
Il y a aussi un rendez-vous en France avec le vote au Parlement du pacte. D'ici là, François Hollande aura-t-il tranché sur les sacrifices que l’État, les collectivités locales, les fonctionnaires, les chômeurs, les intermittents, les bénéficiaires de prestations sociales (cela nous concernera tous de près ou de loin) doivent faire pour trouver ces 50 milliards d'économies ? Personne ne doute qu'il en ait la volonté. En aura-t-il le courage ?
