Derrière la première attaque revendiquée par l'Etat islamique au Pakistan, le
mois dernier à Karachi, pointe l'ombre du LeJ, un groupe armé antichiite local
dont les autorités craignent qu'il ne soit la tête de pont de l'expansion du
"califat" jihadiste dans le pays.
Le 13 mai à Karachi, la mégalopole du sud pakistanais, plusieurs hommes armés
ont pris d'assaut un bus peuplé d'ismaéliens, membres de la minorité chiite, et
exécuté 45 d'entre eux. Elle a été officiellement revendiquée par l'Etat islamique (EI), une première
pour une attaque au Pakistan, à des milliers de km de la base du "califat" en
Irak et en Syrie. Le gouvernement pakistanais, déjà confronté depuis plus de dix ans chez lui à
d'autre groupes armés islamistes, les talibans et Al-Qaïda, a toujours nié toute
présence de l'EI sur son territoire.
A Karachi, des enquêteurs estiment que l'attaque du bus a été échafaudée et
menée par le Lashkar-e-Jhangvi (LeJ). Ce mouvement extrémiste sunnite est connu
comme le principal groupe armé "tueur de chiites" du Pakistan, auteur des
attentats les plus sanglants perpétrés contre cette minorité (qui représente
environ 20% de la population en majorité sunnite) ces dernières années. "L'un des suspects (de l'attaque du bus) arrêté a des liens avec le LeJ",
déclare à l'AFP l'un des enquêteurs sous couvert d'anonymat. Selon plusieurs
enquêteurs, le LeJ a perpétré cette attaque très médiatisée "pour attirer
l’attention de l'EI et son soutien financier".
Selon un cadre des services de renseignement qui suit depuis plusieurs années
le LeJ, celui-ci, né dans le sud du Pendjab, la province la plus riche et la
plus peuplée du pays, a envoyé ces dernières années plusieurs centaines de
combattants, "la plupart issus de la classe moyenne et éduqués", en Syrie et en
Irak. Selon plusieurs sources, au sein des services de sécurité comme de la
nébuleuse islamiste, une partie est ensuite revenue au Pakistan très inspirée
par l'EI, et a commencé à travailler avec d'autres jeunes locaux, eux aussi
issus de la classe moyenne éduquée, pour tenter de faire flotter le drapeau noir
du "califat" au Pakistan.
Selon un ancien membre du LeJ, c'est l'EI et le Moyen-Orient, et non plus les
talibans et Al-Qaïda, qui attirent le plus aujourd'hui les jeunes rebelles
pakistanais prêts à en découdre.
"Contrairement à ce qui se passait avant, ce sont les informations en
provenance de Syrie, d'Irak et du Yémen qui sont les plus partagées et débattues
sur les forums jihadistes en ligne du Pakistan", souligne-t-il.
Pour Amir Rana, spécialiste pakistanais des questions de sécurité, le LeJ a
des combattants en Irak depuis 2013, et même un camp d'entraînement là-bas. "Des
Pakistanais ont participé à l'EI depuis sa création", dit-il, en soulignant la
très grande "proximité idéologique" entre LeJ et EI, tous deux très
anti-chiites. Dès lors, la principale menace pour le Pakistan "sont ces combattants du LeJ
qui reviennent d'Irak et de Syrie, car ils pourraient y alimenter les violences
sectaires" contre les minorités, note-t-il. Selon un cadre des services de sécurité pakistanais, le LeJ, qui fut
également réputé très proche d'Al-Qaïda par le passé, cherche aujourd'hui à
étendre ses opérations, à passer "du statut de groupe armé local anti-chiite à
celui de réseau transnational".
Le Lej est fortement soupçonné d'avoir perpétré ces dernières années un rare et sanglant attentat antichiite en Afghanistan fin 2011, et d'autres attaques meurtrières contre les minorités musulmane, chrétienne et hindoue au Pakistan. "Nous avons des preuves que ces deux dernières années, le LeJ a été impliqué dans des attaques contre les minorités dans certaines villes, notamment Karachi, même s'il ne les a pas revendiquées", ajoute le responsable sécuritaire. Selon lui, le LeJ maintient un réseau clandestin très atomisé et étanche, où les membres d'une cellule ne connaissent pas ceux des autres, et qui sous-traite parfois à des combattants extérieurs
Le 20 mai, le gouvernement provincial du Sind, dont Karachi et la capitale, a
annoncé de premières arrestations dans l'affaire de l'attaque contre le bus
d'Ismaéliens: quatre suspects "très éduqués" qui auraient avoué leur
implication, dont un diplômé de la plus prestigieuse école de commerce du pays,
l'IBA de Karachi.
Ces annonces ont surpris au Pakistan, davantage habitué à des attaques menées
par des rebelles issus des classes pauvres.
"Ces jihadistes instruits vivent normalement dans la société, en nourrissant
leur idéologie (extrémiste) sur l'internet, c'est pour cela qu'il est difficile
de les repérer", explique un responsable des services de renseignement. Et le
conflit syrien et ses lignes confessionnelles (sunnites contre chiites) a tout
particulièrement contribué à radicaliser de plus en plus de jeunes très
instruits, note un de ses collègues.
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