Emma Holten n’est ni mannequin, ni actrice, ni artiste. Ce n’est donc pas dans un cadre professionnel qu’elle a posé nue en menant ses activités quotidiennes, comme lire un livre ou être simplement assise sur son lit (cf la photo d’illustration de cet article). Elles sont visibles à la fin d'une vidéo publiée sur le site du Guardian. Cette jeune journaliste danoise cherche en fait à se réapproprier son corps, qui lui a été volé lorsque des vieilles photos d’elle dénudée sont apparues sur des sites Internet à son insu, en 2011.
"Je ne sais toujours pas qui a posté ces photos", raconte-t-elle dans la vidéo, où elle résume sa démarche, "Je sais juste que des milliers de personnes les ont vues, commentées, et ont partagé des informations sur mes parents, mes frères et soeurs, et mon lieu de travail." Des années après les faits, elle se dit toujours harcelée par des anonymes, et s'estime victime de "pornographie non-consentante".
Emma Holten en a fait la découverte en recevant des dizaines de mails, certains contenant ces clichés, pris quelques années auparavant dans l’intimité, pour son ancien petit ami. Elle était alors étudiante en Suède. "Les semaines ont passé, et je recevais toujours plus de messages. Je me suis retrouvée sur des sites, aux côtés d’autres victimes, des femmes qui n’avaient jamais voulu que leurs photos soient rendues publiques, qui n’avaient voulu l’attention que d’une seule personne", raconte Emma Holten sur le blog Hysterical Feminisms.
La jeune journaliste danoise a en effet été victime de ce qu’on appelle le "revenge porn", ou "la vengeance par le porno", un terme qui a émergé il y a quelques années sur Internet. Le "revenge porn" consiste à se venger d’une ex en postant en ligne des photos ou vidéos d’elle dénudée, qui sont à la base d’ordre privé. Le but est de détruire sa réputation. Des sites "spécialisés" existent même dans certains pays. Le “revenge porn” est d’autant plus mesquin qu’il s’accompagne souvent des noms et prénoms de la victime, et de ses coordonnées. D’où le fait que les boîtes mail et Facebook d’Emma se sont retrouvées saturées de messages d’inconnus.
En plus de se retrouver nue en ligne sans son consentement, Emma Holten a en effet dû faire face à l’avalanche d’insultes et de questions déplacées envoyées par des hommes de tout âge et de tout pays. "Ils savaient que c’était contre mon gré, que je ne voulais pas être sur ces sites. J’ai réalisé que mon humiliation les excitait, et cela me donnait l’impression d’avoir un étau autour de ma gorge. L’absence de consentement était érotique, ils se délectaient de ma souffrance", analyse-t-elle.
Selon elle, la pratique du "revenge porn" n’est qu’une facette d’un climat général qui réduit le corps des femmes à l’état d’objet dont on peut faire ce que l’on veut. "Peu importe le métier concerné, dès qu’une femme l’exerce, il se retrouve sexualisé", constate la jeune femme.
Après 3 ans de souffrance, Emma Holten a compris qu’elle devait se "ré-humaniser" et s’est rapprochée de la photographe Cecilie Bødker.
Je n’ai pas honte de mon corps, mais il m’appartient. Le consentement est la clé
Emma Holten
À elles deux, elles ont voulu montrer qu’il est possible de photographier une femme nue en oubliant le regard masculin : "Les photos tentent de faire de moi un sujet sexuel plutôt qu’un objet. Je n’ai pas honte de mon corps, mais il m’appartient. Le consentement est la clé. Tout comme le viol et le sexe n’ont rien à voir l’un avec l’autre, les photos partagées avec et sans consentement sont des choses complètement différentes", conclue-t-elle dans son post de blog.
Les filles sont majoritairement victimes du "revenge porn", d’où notre insistance sur le fait de ne pas envoyer de photos sexy lorsqu’on entretient une relation en ligne, par exemple. Cela vaut aussi pour les relations "IRL". Il n’y a rien de mal à vouloir se faire plaisir, et faire plaisir à son copain en prenant des photos aguicheuses, mais il faut rester prudente. On ne peut malheureusement pas être certaine de sa réaction si la relation tourne mal ! Au moment de rompre, on est en droit de lui réclamer de supprimer devant nous nos photos ou vidéos dénudées. Si on se retrouve nue sur Internet, il ne faut pas se sentir coupable. C'est la personne qui les a mises en ligne qui s'est mal comportée et devrait avoir honte, car elle a rompu la confiance qu'on lui accordait.
Il faut d’autant plus rester prudente qu’en France, aucune loi ne sanctionne spécifiquement le “revenge porn”. Le Code pénal prévoit jusqu’à 300.000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement pour possession et/ou divulgation d’éléments (vidéos, photos, enregistrements audio) pouvant porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’une personne, ce qui peut rentrer dans ce cadre.
Cependant, si les photos sont publiées sur des sites hébergés à l’étranger, la législation française est impuissante. Pour demander leur retrait, on doit s’adresser directement au site concerné, qui peut répondre favorablement ou pas. Au Royaume-Uni, des victimes ont dû verser plusieurs milliers de dollars à des sites de “revenge porn” américains pour que leurs photos soient enlevées. Emma Holten a ainsi supplié un site de supprimer ses photos, et a reçu comme réponse : "Tu n'avais qu'à pas être une salope, pour commencer."
Le phénomène est si important aux États-Unis que 15 États se sont dotés de lois "anti-revenge porn". Une victime a créé le site “End Revenge Porn” (“Mettons fin à la vengeance par le porno”), militant pour une harmonisation de la législation au niveau fédéral.
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte