Le challenge paraissait impossible à relever. Et pourtant,
Denis Villeneuve l’a fait, non sans une certaine maestria. Si certains amateurs
de la première heure lui préfèrent le film originel sous la houlette de Ridley
Scott, force est de constater les indéniables qualités de son successeur
canadien.
Joyaux de poésie et de féerie, puissante claque esthétique : Blade Runner 2049 est un des meilleurs
crus de cette fin d’année 2017, en dépit d’un score quelque peu décevant au
box-office mondial (86 millions de dollars).
Toutefois, il serait malhonnête d’omettre sciemment quelques
vilains petits défauts du métrage déjà présents dans l’œuvre culte sortie en 1982. À l’instar de Blade Runner
premier du nom, l’intrigue de Blade
Runner 2049 ne manque pas de poser nombre de questions essentielles... sans y apporter aucune réponse.
Petit tour des captivantes problématiques soulevées
par le film mais qui resteront, à notre plus grand désarroi, irrésolues. Les
amateurs de science-fiction qui n’ont pas encore été voir les exploits de Ryan Gosling en salles l’auront sans doute compris : la suite de cet article ne
badinera pas avec les spoilers.
Si le statut de Répliquant de K est confirmé de bout en
bout, ses origines restent en suspens. Principale piste posée par le film : K
serait le "jumeau artificiel" d’Ana Stelline (Carla Juri), la
fille cachée de Rick Deckard (Harrison Ford) et Rachael (Sean Young). A-t-il
été créé dans l’unique dessein de tromper les hommes d’affaires véreux comme
Wallace (Jared Leto) ? Ou a-t-il juste hérité des souvenirs bien réels d’Ana
par pur hasard ?
Les spectateurs les plus attentifs noteront que jamais K ne
compare son ADN avec celui de sa supposée sœur. Or, Deckard a avoué avoir
changé les dossiers pour mieux protéger l’existence de sa fille. Rien ne l’empêchait
donc d’inventer un jumeau masculin pour mieux brouiller les pistes, conduisant délibérément
les autorités dans la mauvaise direction. Une stratégie alors payante puisque
Lt Josh (Robin Wright) et K étaient intimement convaincus qu’ils cherchaient un
homme.
En parlant du loup, moult théories affirment que Lt Josh
serait derrière la création de K. Elle lui confère un respect et une confiance
aveugle qui dénotent quelque peu avec sa position hiérarchique. Aussi, quand le Blade Runner lui affirme "s’être occupé" de l’enfant prodigue, elle
ne cherche même pas à vérifier l’information ou à connaître plus amplement les détails.
Mais si elle est bien l’initiatrice de sa création, alors sa foi semble
logique. Elle connaît le Répliquant, ses limites, ses potentialités. Enfin, il
ne s’agit là que d’une piste parmi tant d’autres…
Le réalisateur de Sicario
l’avait juré et a tenu sa promesse : pas un instant, le film ne laisse entendre
que Rick Deckard est un Répliquant… Mais ne fait rien pour démentir les
rumeurs, qui persistent depuis le premier volet. Des rumeurs lancées par Ridley
Scott lui-même, convaincu qu’il était bien plus cohérent de proposer aux
spectateurs un chasseur d’androïdes lui-même robotisé.
Mais contrairement au film des années 80, maintes fois
remanié pour converger dans le sens de la théorie de Ridley Scott, la mouture
2017 semble davantage pencher du côté humain de Deckard. Les affres de l’âge ne
trompent pas : quand K retrouve la trace du bonhomme bourru, ce dernier est bien
mal en point. Incapable d’aligner deux uppercuts sans avoir le souffle coupé, victime
d’une légère patte folle lors de ses déplacement : le vieil homme affaibli
peine à convaincre qu’il est autre chose qu’humain.
Néanmoins, certains protagonistes restent convaincus de la
nature artificielle de l’ancien Blade Runner. Aussi, Luv, fidèle bras droit de
Wallace, affirme à Deckard qu’ils retournent "à la maison" lorsqu’ils
font route vers les colonies d’outre-monde. Un lieu chargé d’une symbolique
toute particulière puisque les Réplicants y travaillaient.
L’alchimie entre K et Joi (Ana de Armas) est si parfaite
qu’on oublierait presque que cette dernière n’est qu’une intelligence artificielle
programmée pour dire tout ce que son propriétaire souhaite entendre. Toutefois,
le spectateur ne peut qu’être troublé par le parcours initiatique de l’IA, qui se
découvre au fur et à mesure de l’intrigue, à l’instar de K, pléthore d’émotions
et de réflexions propres. Comme lorsqu’elle s’émeut en ressentant la pluie pour
la toute première fois.
Indépendante, elle enrôle Mariette pour offrir une nuit de
plaisir à son amant de détenteur. C’est encore elle qui, après le coït, ordonne
à la fille de joie de mettre les voiles. La prostituée lui rétorquera alors qu’elle
est "particulièrement vide", elle qui a pu voir Joi en profondeur grâce à
leur expérience de synchronisation atypique. Plus encore, c’est encore et
toujours Joi qui rebaptise K "Joe", lui insufflant un zeste
supplémentaire d’âme et donc d’humanité.
Le public en est alors sûr : Joi est spéciale et ne fait
pas que répondre à une série d’ordres… Jusqu’à cette rencontre romanesque entre
K et une publicité holographique géante du programme Joi. La pub interactive
tente d’aguicher le Blade Runner avec un dialecte qui ne lui est pas totalement
inconnu : c’est un fait, l’hologramme utilise exactement les mêmes expressions
que "sa" Joi. Remettant, dès lors, toute personnalisation et humanité
du logiciel en question.
Enfin, on ne sait si ce n’est que pour le provoquer, mais
Luv (Sylvia Hoeks) interroge à l’envi K pour savoir s’il est "satisfait
de leur produit". Espionnant l’officier pour retrouver la planque de
Deckard, on peut supposer qu’elle connaissait les attentes affectives du jeune
homme sur le bout des doigts.
Denis Villeneuve conclut son film avec la rencontre entre Rick Deckard et le médecin Ana Stelline, sa fille miraculeusement née de son
idylle avec la Répliquante Rachael. Laissant K giser au sol dans la neige,
satisfait d’avoir accompli la mission qu’il s’était lui-même donné... Mais, et
après ?
Ana va-t-elle pardonner à son père de l’avoir abandonné ? Ne
lui est-il finalement pas aussi étranger que les souvenirs qu’elle
fabrique ? Et surtout, quid de Niander Wallace, Némesis de cette suite et
Freysa la rebelle ? Tout laisse à croire qu’une guerre entre les deux
camps sera le fer de lance d’un troisième film…
D’autant plus que sir Ridley Scott, réalisateur du premier
et producteur du second, ne cache plus ses lubies d’univers étendu "à la Star Wars". C'est en tout cas ce qu’il a clairement laissé entendre lors
lors d'un entretien avec ING : "Bien sûr qu'il y a toujours quelque chose à raconter. La manière qu'a eu George
Lucas de gérer Star Wars est spectaculaire. C'est ce que j'ai essayé de faire
avec Alien, en faisant évoluer la franchise, alors qu'au départ, je n'avais pas
envie de faire des suites. Et puis j'ai réalisé que c'était stupide." La
guerre de la science-fiction au cinéma se profile.
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