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Faire entrer l'électro dans le nouveau temple parisien de la musique classique : d'emblée, le pari était risqué. Le 14 janvier, le producteur français d'électro Rone a pourtant décidé de le relever en investissant la Philharmonie de Paris pour un concert unique. Une performance originale réglée comme du papier à musique, mais qui aura échoué à nous mettre en transe.
Erwan Castex, alias Rone, était pourtant le candidat tout trouvé pour marier musique classique et électro. D'albums en EP, ce parisien de 36 ans a su se créer un univers musical puissant, truffé de sonorités oniriques. Artiste touche-à-tout, il puise sa créativité dans tous les styles. Y compris dans la musique classique, dont il explique être un grand amateur.
Sans surprise, donc, les places pour cette expérience à la croisée des chemins musicaux se sont vendues comme des petits pains. De l'électro chez les classiques ? Sacrée révolution ! En avril 2016, la Philharmonie de Paris avait déjà accueilli un concert de John Cale en hommage au groupe de rock Velvet Underground. L'électro, elle, a été introduite par l'intermédiaire de Jeff Mills, qui s'y est produit en mai dernier.
Et pour accueillir ce concert pétri de promesses d'éclectisme, la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris a fait peau neuve, troquant ses lumières chaudes et ses boiseries contre une ambiance de club, électrique et sophistiquée. La grande estrade où se situe habituellement l'orchestre a été retirée pour laisser place à une immense fosse, dans laquelle les spectateurs s'amassent.
La plupart d'entre eux sont jeunes, très jeunes. Pour passer le temps en attendant le début, certains s'assoient en tailleur par terre. On en oublierait presque qu'on est à la Philharmonie de Paris sans le ton impératif d'un des ouvreurs de la salle, qui s'adresse à un couple : "Non, vous n'entrez pas avec vos boissons dans la salle".
La salle n'est qu'à moitié remplie lorsque le concert débute. Pile à l'heure. En guise d'introduction, le trio à cordes Vacarme, composé des violonistes Carla Pallone et Christelle Lassort et du violoncelliste Gaspar Claus, fait glisser ses archets en des notes longues dissonantes, comme les pleurs inquiétants de fantômes abandonnés ici. Difficile d'imaginer comment ces sons lents et disloqués vont pouvoir s'associer avec les sonorités mélodieuses de Rone.
Enfin, celui-ci entre en scène, au bout longues minutes qui auront paru bien longues. Minuscule au milieu de ses énormes synthétiseurs, ses éternelles lunettes rondes posées sur le nez, il met en branle ses machines. Les basses se mettent à cracher tandis que les petites ampoules qui tapissent la scène inondent la salle de lumière bleue : le spectacle peut enfin commencer.
Progressivement, Rone fait naître de ses synthétiseurs une mélodie grave, envoûtante, à laquelle répondent les cordes. Ce mariage improbable de la machine et des violons fonctionne finalement bien.
Dans la salle, certains commencent à danser. La plupart, pourtant, semblent hésitants. Est-ce le lieu qui intimide ? Ou bien les intermèdes, trop longs, qui coupent l'élan et empêchent le lâcher prise ? Les morceaux ont beau être parfaitement maîtrisés, il y manque bel et bien ce grand souffle qui parcourt habituellement les sets du producteur français. Peut-être, aussi, est-ce à cause de ce son si propre, si éloigné des sonos des festivals et des autres salles de concert.
Pendant deux heures, Rone enchaîne ses plus grands succès - Parade, Bora Vocal et bien sûr la sublime Bye Bye Macadam. Baigné dans une lumière bleue électrique, le chanteur François, du groupe de pop François and The Atlas Mountain, irradie avec une version live inédite de Quitter la Ville. Belle trouvaille également : le musicien a remplacé les basses synthétiques des titres par la folle batterie de John Stanier. Avec l'acoustique exceptionnelle du lieu, les vibrations sont démultipliées.
Mais la timidité de la performance, elle, ne s'estompe pas. La faute, peut-être, aux longs monologues psalmodiés par l'auteur de science fiction Alain Damasio. Qui rendent un résultat trop intellectuel, pas assez animal. Dans la foule, on danse sagement. Sans folie ni sueur. Cet univers musical et visuel original auquel il nous a habitués, Rone ne semble pas l'assumer entièrement et cela se ressent : dans les balcons, les spectateurs assis restent figés. La grande barrière musicale que chacun voulait voir voler en éclats est toujours aussi solidement ancrée.
La prise de risque, cependant, est louable. En s'entourant de nombreux invités, Rone a voulu offrir à ses spectateurs un show expérimental, une performance mi-improvisée qui contraste avec la maîtrise d'un concert classique. Le pari est à moitié tenu : le spectacle était bien unique, musicalement intéressant et plein de beaux moments. On aurait simplement voulu frissonner davantage.
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