Édouard Louis revient avec une autobiographie dérangeante et puissante

C'est l'auteur qui fait sensation en ce début d'année, Édouard Louis. Il signe Histoire de la violence au Seuil. Edouard Louis, un récidiviste, peut-on dire. La sensation, il l'avait déjà créée en janvier 2014 à l'âge de 21 ans en publiant son premier livre En finir avec Eddy Bellegueule, évocation de son enfance difficile dans une famille pauvre du Nord de la France, de la découverte de son homosexualité et de sa fuite à Paris. 300.000 exemplaires vendus, des traductions dans le monde entier. Le voici donc de retour avec un 2ème livre une nouvelle fois autobiographique, dérangeant et puissant : le récit du viol et de la tentative de meurtre dont il est victime une nuit de Noël, après avoir ramené chez lui un jeune inconnu d'origine kabyle, Reda. Pourquoi, alors qu'Édouard Louis écrit à l'époque un roman d'amour, abandonne-t-il ce texte pour faire un livre de son expérience traumatisante ?

"J'ai ressenti comme une nécessité d'écrire ce qui s'était passé cette nuit-là. C'est comme si ce que j'avais écrit dans le livre m'avait soudainement rappelé la violence du monde. Je me suis dis que je ne pouvais pas écrire sur autre chose. La violence est tellement présente dans notre monde et si peu présente dans la littérature. Il faut essayer de combler cet écart entre ce que l'on vit et ce que l'on lit."

Rien n'est éludé de cette nuit-là

Est-ce que le risque avec ce genre de sujet n'est pas de tomber dans le sordide et le racoleur ? C'est vrai, d'autant qu'Édouard Louis n'élude rien de cette nuit-là, l'attirance physique foudroyante entre les deux jeunes gens, leurs rapports sexuels et puis, la folie soudain qui s'empare de l'agresseur, l'arme qu'il braque sur la tempe d'Edouard Louis, le viol, sa fuite, l'hôpital, la police... Mais l'ambition de l'auteur est de livrer la vérité crue sans provocation ni complaisance.

"En effet, après cette nuit du 24 je suis confronté à la police, je suis confronté aux médecins qui doivent prouver le viol dans l'enquête, explique-t-il à RTL. Je dois aller porter plainte même si c'est très difficile, j'y vais. C'est un enjeu central dans le livre, la plainte."

La répéter, et se heurter à l'interprétation que peuvent en faire les autres, les propos racistes de certains policiers lorsqu'ils découvrent l'origine maghrébine de son agresseur choquent Édouard Louis qui se défend cependant de toute indulgence à son égard. "Je le déteste c'est évident. Il a mis un revolver sur mon visage. Je l'ai terriblement désiré mais c'était avant qu'il mette un revolver sur mon visage. Là ça m'a attiré beaucoup moins. Le détester ou pas n'entre pas en compte quand j'essaye d'expliquer ce qu'il a fait, de restituer les raisons pour lesquelles il est comme il est. Je veux être juste."

Le violeur court toujours

Mais qu'est-ce qui fait que le 2ème livre d'Édouard Louis dépasse le simple témoignage pour devenir une oeuvre littéraire, un roman, comme c'est écrit sur sa couverture ? En parallèle à sa version, Edouard Louis imagine celle de sa sœur, Clara, en train de raconter à son mari la nuit de cauchemar vécue par son frère. Édouard Louis restitue de façon saisissante cette langue populaire, imagée, rude et vivante, sans la condescendance dont certains le soupçonnent. Il y a beaucoup de tendresse dans les mots de Clara pour ce frère différent. "C'est un sentiment très grand que j'ai eu quand j'ai annoncé à ma famille que j'étais homosexuel. C'était difficile dans le milieu de mon enfance. J'avais au fond de moi l'espoir que ça nous séparerait pour toujours. Il y avait pour moi un côté insupportable dans le fait qu'ils me disent : 'Je t'accepte.'""

La réconciliation d'Eddy Bellegueule et d'Édouard Louis. Aujourd'hui, Reda, le violeur d'Edouard Louis court toujours, y pense-t-il, a-t-il peur ? "C'est comme la violence des choses auxquelles on préfère ne pas penser, que l'on préfère activement enfouir. Je n'y pense plus tellement." Édouard Louis s'est libéré de son passé. Histoire de la violence est publié au Seuil.

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