Aardman : l'épopée du studio de "Wallace et Gromit"

À l’image du studio Ghibli, qui a toujours valorisé une animation traditionnelle, Aardman est à part dans l’histoire du cinéma. Depuis sa création au début des années 70, les fondateurs du studio se passionnent pour une animation minutieuse réalisée à partir de personnages en pâte à modeler, fabriqués à la main. Une technique presque archaïque, à rebours des Pixar et autres Dreamworks, qui recrée un mouvement image par image et nécessite plus de 80 caméras. Les animateurs bougent les personnages en pâte à modeler millimètre par millimètre. Ce travail, les équipes d’Aardman continuent à le faire chaque jour dans leurs locaux de Bristol en Angleterre. Leurs œuvres font l'objet d'une exposition au musée Art Ludique de Paris à partir de ce samedi.

Comment a commencé l’aventure de Wallace et Gromit ? Pour la raconter, il faut revenir en arrière sur les bancs de l’école. Peter Lord et David Sproxton sont alors deux jeunes britanniques passionnés d’animation et de pâte à modeler. Désespérés de voir que le milieu du dessin animé est monopolisé par Disney, ils décident de déposer le nom Aardman et commencent à réaliser de courtes publicités pour des émissions britanniques dans lesquelles ils utilisent des marionnettes. Les films d’animations, tels qu’ils se font à l’époque, ne leur conviennent pas. Ce qu’ils voudraient, eux, ce sont des créations exigeantes qui s’adresseraient aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Avec une bonne dose d’humour so british. Pour parvenir à donner vie à leurs rêves, ils perfectionnent des techniques d’animation qui leur permettent de tirer leur épingle du jeu.

La naissance de Wallace et Gromit

Le destin met sur leur chemin Nick Park. Un peu plus jeune que le duo, Park n’en est pas pour autant moins doué : il réalise ses propres films depuis l’âge de 13 ans. Après un premier court-métrage pour Aardman, il invente les personnages qui deviendront l’emblème du studio, Wallace et Gromit. Un fan de fromage un peu simplet, vêtu d’un tricot vert, et son chien qui le regarde d’un air exaspéré. Le premier court-métrage qui met en scène le duo, Une grande excursion est un succès public et critique. Avec un humour décalé, un comique de situation à toute épreuve et une galerie de personnages loufoques, Aardman a trouvé sa place dans le monde impitoyable du cinéma d’animation. Le deuxième volet des aventures de Wallace et Gromit, Un mauvais pantalon, rafle l’Oscar du meilleur court métrage d’animation et offre au studio un rayonnement international. Aardman a réussi son pari : créer des personnages cultes, qui plaisent aussi bien aux enfants qu’aux adultes.

Après une vingtaine de courts-métrages, mettant en scène des personnages variés, le studio s’apprête à passer aux choses sérieuses avec son premier long. Pour financer leur projet ambitieux, ils font appel à Dreamworks. Le studio fondé par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen rejoint l’aventure de Chicken Run. Avec des recettes de 220 millions de dollars, Aardman entre officiellement dans la cour des grands en filant une longue métaphore sur des camps de prisonniers à travers l’histoire d’un élevage de poulet. Après une telle réussite, Nick Park décide en toute logique de développer les aventures de son duo culte sur grand écran. Wallace et Gromit et le mystère du lapin-garou sort en 2005 et remporte un Oscar. 

Du cinéma au musée

Le succès amène un drame, et un incendie ravage le studio en octobre 2005. Les fondateurs y perdent des années de travail, dont de nombreux décors et personnages de leurs films précédents. Ce qui ne les empêche pas de multiplier les nouvelles idées : une série de Shaun le mouton pour la BBC, un premier film en images de synthèse avec Sony Pictures (Mission : Noël), un ciné-concert, une attraction dédiée à Wallace et Gromit, une opération avec la Tate britannique… Le studio continue ses activités et renaît de ses cendres. En 2012,  il sort Les Pirates! Bons à rien, mauvais en tout, réalisé par Peter Lord. Un nouveau film en pâte à modeler qui change radicalement de leurs personnages habituels et déplace leur humour décalé à l’époque victorienne.