Toute la Grèce est dans la rue Sophocle. Longue de quelques centaines de mètres, elle descend au cœur de la capitale. Quand on la prend par le bas, on croise un flot de scooters imprudents qui dévalent la chaussée défoncée à tombeau ouvert.
Sur les côtés, des échoppes crasseuses alternent avec les façades murées et taguées, des vendeurs d'olive et d'épices, des boutiques d'électronique vieillotte, des fringues, de la fripe à deux sous. Ce sont les commerces de la ville populaire, toute l'économie informelle, qui a prospéré avec la crise.
Sur les trottoirs encombrés, des jeunes qui traînent, des vieux qui mangent assis par terre, des clochards. Ce n'est pas la misère, mais on n'en est pas loin. La Grèce est le pays d'Europe où la pauvreté a le plus augmenté depuis la crise. Elle frappe un quart de la population.
Un peu plus haut, en face du numéro 46, c'est un bazar, avec les petits trafics, les fourgues de téléphone de contrebande, les vendeurs de billets de loterie, qui ont trouvé là un moyen de subsistance dans un pays dont l'économie est dévorée par le chômage.
Au numéro 53, c'est un immeuble d'habitation, un peu vétuste. Dans les étages, une quinzaine d'appartements. Ceux qui habitent là, comme les 6 millions de propriétaires, ont dû payer la taxe Enfia.
C'est un impôt sur les logements qui est devenu le symbole de l'austérité. Il peut atteindre plusieurs centaines d'euros et pèse sur les classes moyennes, en particulier sur les retraités, dont les pensions ont été réduites de 40%.
Nombre de Grecs ont carrément arrêté de payer leurs impôts
François Lenglet
Le nouveau premier ministre a promis à plusieurs reprises de supprimer cet impôt. Alexis Tsipras veut également relever le seuil de déclenchement de l'impôt sur le revenu, qui est aujourd'hui à 400 euros par mois de salaire. Il voudrait le porter à 1.000 euros par mois.
Sa campagne électorale a d'ailleurs eu un effet inattendu. Dans l'attente des baisses de fiscalité et d'une amnistie promise pour les petits contribuables, nombre de Grecs ont carrément arrêté de payer leurs impôts depuis que la victoire semblait probable. Il va manquer plusieurs milliards d'euros de recettes par rapport aux prévisions.
Toujours en montant, après avoir croisé rue Socrate, on change d'univers, presque de ville. Un vaste bâtiment en pierre de taille, une armée de vigiles en uniformes sales qui sont penchés sur une vieille radio pour écouter les nouvelles : c'est le siège de la Banque nationale de Grèce, la plus grande banque du pays. Elle et les autres seraient en faillite s'il n'y avait pas l'aide financière de la Banque centrale européenne.
Rien que sur le mois de janvier, les retraits de dépôts - c'est-à-dire la fuite des capitaux -, a atteint presque 10 milliards d'euros, après un mois de décembre équivalent.
Quand on remonte la rue Sophocle, on comprend pourquoi Syriza a été élu
François Lenglet
En face, une pharmacie pimpante, presque neuve. Mais elle est vide, pas un client. La pharmacienne explique que la vente de médicaments s'est effondrée, après les coupes de plus de 30% dans le budget de la santé.
Deux systèmes coexistent désormais. Le public, désargenté, sous équipé, délabré ; et le privé, efficace mais cher. Un million de Grecs n'ont plus de couverture médicale. Là encore, Alexis Tsipras a promis d'y remédier. Mais avec quel argent ?
Quand on remonte cette rue Sophocle, on comprend pourquoi Syriza a été élu. Mais on comprend aussi que cela ne sera pas facile.
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