Batman v Superman : l'Aube de la Justice mettra en scène pour la première fois la bataille épique entre deux super-héros iconiques. Il aura fallu attendre de nombreuses années avant de voir les deux personnages s'affronter sur grand écran. Dans les comics aussi, Superman et Batman n'ont pas toujours été opposés. À partir de leur création à la fin des années 30, et malgré leurs personnalités opposées, les deux personnages se croisent régulièrement dans les comics de la maison d'édition DC.
C'est en 1986 que le scénariste et dessinateur Frank Miller les oppose, dans Batman : Dark Knight. "C'est une grande rupture, avec un Batman âgé, devenu dans un futur proche une sorte de clandestin, tandis que Superman est devenu une marionnette du gouvernement", détaille à RTL.fr Jean-Paul Gabilliet, professeur des universités en civilisation nord-américaine et auteur de Des Comics et des hommes : histoire culturelle des comic-books aux États-Unis. C'est cette histoire que devrait reprendre le film qui sortira le 23 mars 2016.
Depuis sa création, Superman est invincible tandis que Batman est faillible. L'histoire de Frank Miller renverse la table et fait gagner l'homme chauve-souris. "C'était la première fois que l'on voyait Batman mettre une dérouillée à Superman alors que c'était invraisemblable avant. Miller a traité ça dans une vision américaine très conservatrice dans laquelle l'individu seul, armé de son courage et de ses poings, a une légitimité pour se battre contre tout ce qui incarne l'État et l'intervention de l'État. À l'époque ça correspondait globalement au discours néolibéral de Ronald Reagan (40e président des États-Unis, en poste de 1981 à 1989, ndlr)", explique le spécialiste. "Le gouvernement n'est pas solution à nos problèmes, le gouvernement est le problème", expliquait Ronald Reagan, qui a décidé de larges réductions d'impôts et une réduction des dépenses fédérales.
Dans "Dark Knight", c'est la première fois que Batman met une dérouillée à Superman
Jean-Paul Gabilliet, spécialiste des comics
La personnalité de Frank Miller, très à droite et obsédé par les armes à feu, la violence et la sécurité, a contribué au sous-texte politique du comics. Après sa mini-série Dark Knight, les affrontements suivants entre Batman et Superman auront beaucoup moins de connotations politiques. "C'est l'équivalent d'un blockbuster en bande-dessinée, des albums conçus pour être impressionnants", précise Jean-Paul Gabilliet. "Le plus grand match de gladiateurs de l'histoire. Le fils de Krypton contre la chauve-souris de Gotham", résume Lex Luthor, incarné par Jesse Eisenberg, dans la dernière bande-annonce de Batman v Superman. Même sans dimension politique, l'affrontement entre les deux personnages est mythique, les deux personnages étant complètement antithétiques depuis leur création.
Il faut remonter à leurs origines pour saisir complètement ce que ces deux personnages représentent. Superman a été le premier à apparaître en 1938, suivi par Batman en 1939. Avant l'arrivée de l'homme chauve-souris, Superman n'était pas celui que l'on connaît aujourd'hui. "Il est beaucoup plus violent. Dans le contexte du New-Deal, il apparaissait un peu réformiste : il se battait contre des gros propriétaires, des gros capitalistes. Chez DC, ils se sont rendu compte que s’ils voulaient un personnage sans aucun problème, il fallait qu’il soit plus conformiste que ce qu’il n’était dans les premières histoires. Il a été remodelé pour incarner la morale publique", détaille Jean-Paul Gabilliet.
Avant la création de Batman, Superman est beaucoup plus violent
Jean-Paul Gabilliet, spécialiste des comics
L'homme chauve-souris a été créé en opposition à la figure parfaite de Superman. "Dès l'origine, ils sont complètement différents et symétriques. Un an après la création de Superman, le dessinateur Bob Kane a proposé à DC Comics plusieurs idées. Et il s'est trouvé que le concept de Batman leur semblait être un bon symétrique de Superman. Dès le début, c'était un moyen d'aller plus loin, de prolonger l'innovation sans se répéter", détaille Jean-Paul Gabilliet.
"Batman, dès l'origine, est un personnage fait pour incarner un système de valeurs privé, individualiste et défiant envers l'institution policière. En termes d'archétypes, Batman, c'est le démon, et Superman, c'est l'ange. Batman est nocturne et Superman est diurne", précise le spécialiste, qui propose encore un autre degré de lecture : "Superman est construit à partir de la métaphore de l'ange. En termes culturels et religieux, il vient d'un arrière-plan judéo-catholique. Batman, lui, est lointainement inspiré d'une imagerie médiévale, des démons médiévaux, qui correspond plutôt à une culture protestante". Opposés mais pas irréconciliables. Des images de la bande annonce de Batman v Superman montrent que les deux héros vont s'allier. Ils seront d'ailleurs tous deux au cœur du film Justice League, à sortir en 2017. Plus que de connaître le vainqueur de leur affrontement, l'intérêt de Batman V Superman pourrait résider dans la mise en scène de ce qui va rapprocher Batman et Superman.
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