Le temps où le FC Barcelone mettait un poing d'honneur a véhiculer une image à l'opposé des intérêts financiers du football mondial est bel et bien révolu. Pendant longtemps, le club catalan s'est targué de ne pas avoir cédé la virginité de son maillot au plus offrant, portant haut son hostilité au foot business et ses grands joueurs à la carrière intégralement blaugrana en étendard.
"Nous sommes peut-être les derniers romantiques du football", martelait d'ailleurs Xavier Aguilar, directeur financier du Barça au début des années 2000. Las. Le FC Barcelone est entré dans une nouvelle dimension. Le transfert de Luis Suarez, pour cinq saisons et un montant qui avoisinerait les 70 millions d'euros, confirme ce virage enclenché il y a une dizaine d'années, très loin des valeurs originelles du club.
Avec la venue à la présidence de Joan Laporta en 2003, dont la politique audacieuse a mené à une période de succès avec 12 trophées majeurs (2003-2010), les Catalans ont changé d'ère. Dès sa nomination, il a fait voter l'arrivée du premier sponsor maillot payant de l'histoire du FC Barcelone, malgré l'opposition de Johan Cruyff, légende de l'équipe, qui a parlé de "souillure sur le maillot".
Depuis 1899, date de la création du club, les Catalans n'avaient jamais affiché de sponsor sur leur tunique, chose exceptionnelle dans le football professionnel européen. Mais la transition est habilement menée par Laporta. La tenue "blaugrana" a d'abord arboré un sponsor gratuit à qui le Barça verse même de l'argent, l'Unicef.
Mais la bienfaisance a peu de poids face à l'argent. En 2010, cela a été au tour de la Qatar Foundation, autre organisme non-lucratif, mais qui a versé 165 millions d'euros pour apparaître comme sponsor maillot. L'Unicef a été relégué à l'arrière, sous le numéro. Qatar Airways a pris le relais depuis 2013 et le Barça a même vendu des emplacements à l'intérieur du maillot à Intel, moyennant 18 millions d'euros, et sur la manche gauche aux Turcs de Beko.
Autre symbole de cette perte d'identité du FC Barcelone, des transferts très couteux de joueurs qui ne correspondent pas au "moule" du club. Un modèle qui n'a finalement pas grand chose à envier à la politique de Florentino Perez au Real Madrid, l'ennemi de toujours. L'arrivée de Zlatan Ibrahimovic en 2009, pour l'équivalent de 75 millions d'euros (49,5 M€ + Samuel Eto'o) en témoigne. Le Suédois, qui ne s'entendait pas avec son coach Pep Guardiola et ne s'adaptait pas au jeu barcelonais, a fait ses valises dès la saison suivante.
Plus récemment, la signature du Neymar à l'été 2013, pour 57 millions d'euros a entaché durablement la réputation du club. Le Barça avait maquillé la somme réel pour économiser 10 millions d'euros d'impôts. L'achat du Brésilien a en réalité coûté près de 95 millions d'euros. À peu de choses près le même montant que Gareth Bale, la recrue phare du mercato estival du Real en 2013. La mise au jour de cette affaire a contraint le dernier président, Sandro Rosell, a démissionné.
L'officialisation de l'arrivée de Luis Suarez, tancé d'une réputation sulfureuse, a définitivement sonné le glas de l'idéal romantique défendu par les "Blaugranas". Surtout avec le départ, dans le même temps, de joueurs emblématiques du club. Victor Valdés, déçu par les dirigeants, et Carles Puyol l'ont déjà acté. Après 16 saisons en Catalogne, Xavi pourrait également partir.