Comment parlez-vous de vos bobos ?
De nombreux patients utilisent des termes approximatifs pour parler de leurs symptômes. Que signifie vraiment l'expression "avoir mal au cœur" ?

L’autre jour, on discutait langue française avec un copain qui s’appelle Damien, et qui est médecin à Salins-les-Bains (Jura). Il me faisait remarquer le travail de traduction auquel il devait se livrer pour décrypter les symptômes dont se plaignent ses patients. La plupart de nos bobos banals s’expriment de traviole dans la langue courante.
À noter que l'on dit bien banals et non banaux. Banaux n’est le pluriel de banal que quand il s’agit des fours banaux ou des moulins banaux du Moyen Âge, des biens appartenant au seigneur mais utilisés par la population.
Quand on se plaint d’avoir "mal au cœur", ce n’est pas le cœur qui est en cause. De même, ce qu’on appelle communément "mal au reins" n’a rien à voir avec cet organe pair, situé dans l’abdomen, qui selon Larousse, "forme l’urine à partir de la filtration du sang, élimine les déchets, participe à l’équilibre de l’eau et des minéraux dans l’organisme".
Une question de vocabulaire
Quand on dit qu’on a mal au cœur, c’est qu’on a des nausées. Ça n'a rien à voir avec le vrai cœur, moteur de la circulation du sang. Quand on se plaint d’avoir mal aux reins, ce sont nos lombaires qui nous jouent des tours. Et aussi, ce que nous appelons communément "mal au foie", ce sont des soucis de vésicule biliaire.
En même temps, on dirait que le corps médical s’ingénie à adopter un vocabulaire impossible à comprendre pour le commun des mortels. Une pratique un peu intentionnelle, comme le louchébem des bouchers. Par exemple, savez-vous ce que la faculté appelle "myoclonie phréno-épiglotique" ? Il s'agit pourtant du hoquet.
Avec un vocabulaire pareil, il n'est pas étonnant que les patients enchaînent les bourdes. L’autre jour, dans la salle d’attente de mon généraliste, je suis tombée sur le livre C'est grave, docteur ? (ed de l’Opportun). Le docteur Michel Guilbert y publie les perles d’approximation de ses patients, des "compliments alimentaires" à la "spasmofolie", en passant par l’"embellie pulmonaire".