Orgasme clitoridien ou vaginal : des expressions dépassées
INTERVIEW - Le Dr Marie-Hélène Colson, sexologue à Marseille, nous explique en quoi les termes "orgasme clitoridien" ou "vaginal" sont erronés, et pourquoi ils nous pourrissent la vie.

Peut-être avez-vous déjà entendu cette question, au détour d'une conversation entre copines : "Et toi, tu es plutôt clitoridienne ou vaginale ?" Si vous ne saviez pas encore ce que cela veut dire, faisons un point. L'usage voudrait qu'une femme "clitoridienne" ne prendrait du plaisir lors d'un rapport sexuel que lorsque son clitoris (son organe sexuel, situé au niveau des petites lèvres), est stimulé. Une femme "vaginale", de son côté, ne prendrait son pied que grâce à la pénétration. En gros, on a créé deux camps sexuels parmi les femmes. Cette dichotomie a encore la vie dure, alors que la science a prouvé qu'elle est fausse, d'un point de vue biologique.
"Pendant longtemps, il n’existait qu’une seule forme d’orgasme pour la plupart des femmes", explique le docteur Marie-Hélène Colson, sexologue à Marseille, à Girls. "C’est avec Freud [Sigmund de son prénom, fondateur de la psychanalyse, qui a beaucoup travaillé sur la sexualité] et les premières théories scientifiques de la sexualité, que se met en forme l’idée de la dualité entre orgasme vaginal, celui de la femme mature, capable de se donner à l’homme, et orgasme clitoridien, immature, celui de la petite fille", explique l'auteure de La Sexualité Féminine.
Les femmes mises sous pression
En clair : au 19e siècle, alors que la sexualité devient un sujet d'études scientifiques, les chercheurs pensent qu'avoir un orgasme par pénétration est réservé aux "vraies femmes". Une femme "vaginale" serait plus mature qu'une femme "clitoridienne". Ils ont établi une hiérarchie sexuelle entre les femmes, avec un soupçon de machisme, qui laisse encore des traces aujourd'hui. Beaucoup de filles ayant du mal à atteindre l'orgasme par pénétration peuvent penser que ce n'est pas normal, que quelque chose cloche. Malheureusement.
Cette dichotomie a usé plusieurs générations de femmes, anxieuses de n’avoir jamais joui avec des mouvements de va-et-vient
Dr Marie-Hélène Colson
"Cette dichotomie a usé plusieurs générations de femmes, anxieuses de n’avoir jamais joui avec des mouvements de va-et-vient", confirme le docteur Colson. "Marie Bonaparte, Altesse royale et disciple de Freud, s’est fait opérer plusieurs fois au 19e siècle pour tenter de rapprocher son clitoris de son vagin, afin d’obtenir enfin des orgasmes par pénétration."
Le clitoris est un iceberg
Pourtant, d'un point de vue physique, dire qu'une femme est soit "clitoridienne", soit "vaginale", n'a pas de sens. Comme on l'a déjà expliqué sur Girls, la partie visible du clitoris est petite par rapport à ses racines, formées de deux longs tuyaux, qui s'enfonce dans le vagin. Un peu comme un iceberg dont la partie immergée est bien plus grosse que sa partie située à la surface (rappelez-vous de Titanic).
Docteur Colson se réfère notamment aux travaux d'Helen O’Connell, une urologue australienne, qui ont démontré que le clitoris, le vagin et la vessie sont reliés entre eux, à la fois au niveau anatomique et des nerfs. Résultat : "Cela rend obsolète la guerre entre clitoridiennes et vaginales", conclut la gynécologue. "Il n’existe qu’un seul orgasme, obtenu avec des stimulations clitoridiennes ou avec des mouvements de va-et-vient."
Il n’existe qu’un seul orgasme, obtenu avec des stimulations clitoridiennes ou avec des mouvements de va-et-vient.
Dr Marie-Hélène Colson
Bien sûr, certaines filles sont plus sensibles aux stimulations intérieures, d'autres aux stimulations extérieures. Cependant, le résultat est le même pour toutes : que ce soit par cunnilingus, pénétration ou autre, c'est toujours le clitoris qui se retrouve stimulé, au point d'aller jusqu'à l'orgasme. On ne peut donc pas dire qu'il existe deux types d'orgasme, puisque l'orgasme n'est obtenu que par stimulation du clitoris.
"Les zones érogènes chez l’hommes sont assez limitées au périmètre génital. Ce n’est pas le cas chez les femmes, dont la sexualité, plus émotionnelle, peut être éveillée par des caresses sur l’ensemble du corps", indique le Dr Colson. "Le meilleur moyen d'arriver à l'orgasme étant encore de cumuler stimulations clitoridiennes et mouvements de va-et-vient". À bon entendeur.