Yves Thréard : "Il faut relativiser la consécration espagnole de Manuel Valls"
REPLAY / ÉDITO - Le Premier ministre Manuel Valls est l'homme de l'année pour le quotidien espagnol "El Mundo". Une consécration pas si surprenante aux yeux du journaliste.

Le grand quotidien espagnol de centre droit El Mundo a désigné Manuel Valls "homme de l'année" en Espagne. Ce n'est pas tellement surprenant, venant de ce journal-là et de ce pays-là.
Valls a raison de ne pas s'emballer
De l'autre côté des Pyrénées, il y a eu un débat très dur cette année sur l'indépendance de la Catalogne. Or, Manuel Valls est catalan : il est né à Barcelone. Le Premier ministre français est contre l'indépendance de cette région, tout comme El Mundo. C'est donc le client idéal pour clamer l'unité de l'Espagne.
Deuxième chose : un Espagnol d'origine qui est à la tête du gouvernement en France, c'est une première. La France, c'est ce grand voisin parfois un peu condescendant. C'est donc un peu une revanche.
Ce n'est pas parce que l'on récolte la gloire à l'étranger qu'on est prophète en son pays
Yves Thréard
El Mundo est un journal de droite. Or, là-bas comme ici, quand on est de droite, on aime bien les socialistes qui ne sont pas tout à fait socialistes. Manuel Valls, c'est exactement ce portrait. D'ailleurs, à l'annonce de l'information, un blogueur français disait : "Il pourrait faire premier ministre en Espagne, et nous on prendrait un homme de gauche". C'est dire.
Cette consécration espagnole est donc à relativiser. En 2007, El Mundo avait fait de Nicolas Sarkozy son homme de l'année. Cinq ans plus tard, cela n'a pas vraiment porté chance à l'intéressé. Manuel Valls a toutes les raisons de ne pas s'emballer. Ce n'est pas parce que l'on récolte la gloire à l'étranger qu'on est prophète en son pays.
S'inscrire dans la durée
Toutes les réformes que le chef du gouvernement a mis en chantier cette année - très impopulaires auprès d'une grande partie de l'électorat et des caciques de gauche - passent mal. Elles sont marquée du sceau de l'infamie du libéralisme. C'est impossible qu'elles soient acceptables.
Dans son interview à El Mundo, Manuel Valls affirme : "Je ne veux pas dire aux Français que dans deux à trois ans, les sacrifices seront terminés". C'est une phrase très dure. C'est bizarre qu'il la prononce à l'étranger. En France, cela va avoir du mal à passer.
En 2017, Valls ne sera pas candidat contre Hollande
Yves Thréard
Quand on lui demande, dans ce même entretien, s'il se voit candidat à la présidentielle, il répond : "Non. Comme premier ministre, je ne peux pas parler de cela". Ce qui est sûr, c'est que son proche destin est lié à celui de François Hollande.
Si l'économie française reprenait quelques couleurs, à qui en attribuerait-on le mérite ? À Valls ? À Hollande ? À Macron ? Nul ne le sait. Il est une certitude pour 2017 : Manuel Valls ne sera pas candidat contre François Hollande. Si d'aventure Hollande n'était pas candidat, il devrait passer par des primaires.
Or si Valls est populaire chez les Français, il l'est beaucoup moins à gauche. Moralité : Valls l'ambitieux a tout intérêt à s'inscrire dans la durée pour être, qui sait, l'homme de la présidentielle de 2022, donc l'homme de l'année 2022, mais en France cette fois".