L'affaire Tapie, un dossier de plus de 20 ans
VIDÉOS - L'État devrait se porter partie civile dans le cadre de l'affaire Tapie. Retour sur un dossier politico-financier qui dure depuis plus de vingt ans.

Le synopsis
C'est l'histoire d'une affaire impliquant un ancien businessman, une ex-ministre devenue directrice du FMI, un juge et un avocat. En cause : la procédure d'arbitrage censée mettre fin à cette saga judiciaire. Selon Le Canard Enchaîné, l'Etat devrait se porter partie civile.
Le contexte
C'est une affaire de plus de 20 ans. En 1990, Bernard Tapie rachète la société Adidas pour 1,6 milliard de francs. Deux ans plus tard, il entre au gouvernement de Pierre Bérégovoy. A la demande du président Mitterrand, Bernard Tapie procède à la vente de la société. Cette vente est conclue en 1993 par l’intermédiaire de la SBDO, filiale du Crédit Lyonnais. La banque est, à cette époque, en situation de faillite.
Adidas est cédé à un groupe d’investisseurs pour 2,85 milliards de francs. Parmi eux se trouve… le Crédit Lyonnais. Lorsque la banque – à l'époque publique - revend Adidas un an plus tard pour 4,4 milliards de francs, Bernard Tapie réclame une partie de la plus-value.
En 1996, la justice relève des irrégularités dans cette vente. La banque est condamnée à 600 millions de francs de provisions. Mais les avocats du Crédit Lyonnais parviennent à retarder le jugement en appel, qu'ils ont eux-mêmes demandé.
En 2005, le consortium de réalisation (CDR, structure créée pour gérer le passif du Crédit Lyonnais après sa faillite) est condamné à verser 145 millions d'euros de dommages et intérêts à Bernard Tapie. En 2006, ce jugement est annulé par la Cour de cassation.
Un an plus tard, la décision est prise par le ministère de l’Économie de confier l'affaire à un tribunal arbitral qui accorde 285 millions d'euros à Bernard Tapie.
Le scénario
Le recours à un tribunal arbitral a fait l'objet de nombreuses critiques.
En 2011, la Cour de discipline budgétaire et financière dénonce de nombreuses irrégularités dans l'arbitrage du dossier Tapie. Cette juridiction, qui dépend de la Cour des comptes, décide alors de poursuivre les actes suspects des gestionnaires publics.
Jean-François Rocchi, président du CDR, est visé, tout comme Christine Lagarde. L'ancienne ministre de l'Economie aurait donné l'ordre à Jean-François Rocchi de recourir à un tribunal arbitral.
Les acteurs principaux
Bernard Tapie. L'homme d'affaire est serein. Mardi 28 mai, sur BFMTV, il a rappelé que "le jugement (du tribunal arbitral) a été rendu à l'unanimité des trois juges".
Christine Lagarde. L'actuelle directrice du FMI est ministre de l'Economie en 2007. C'est elle qui propose officiellement le recours à un tribunal arbitral. Vendredi 24 mai, après deux jours d'audition, Lagarde est placée sous le statut de témoin assisté.
Stéphane Richard. L'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde au moment des faits a reconnu, fin mai sur RTL qu'ils avaient peut-être "péché par imprudence" dans le cadre de l'affaire Tapie.
Nicolas Sarkozy. Il est à l'Elysée au moment de l'arbitrage. Il a rencontré Bernard Tapie avant et après son élection. Pour certains, la décision de recourir à un tribunal arbitral est un choix de Nicolas Sarkozy. Fin mai, sur RTL, François Bayrou a regretté que l'audition de l'ancien chef de l'État soit impossible à cause de "l'immunité absolue" dont celui-ci jouit.
Pierre Estoup. C'est l'un des trois juges du tribunal arbitral. Il a été placé en garde à vue lundi 27 mai Il serait lié à l'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Latroune, également placé en garde à vue mardi. Ils ont participé ensemble à trois autres arbitrages, ce qui est un motif de récusation pour l'arbitre. Selon le site internet de L'Express, un livre de Bernard Tapie a été retrouvé au domicile du juge. L'ouvrage est dédicacé par l'auteur lui-même qui vante le "courage" du "président Estoup".
Special guest star : François Hollande. Selon Le Canard Enchaîné daté du 29 mai, l'Etat aurait décidé sur ordre du président de se constituer partie civile dans le dossier Tapie.