Lors du Grand Jury RTL - Le Figaro - LCI, dimanche 13 novembre, le PDG d'Orange Stéphane Richard a affirmé que la réforme de l'Impôt sur la fortune allait lui permettre de payer deux fois moins d'ISF. L'information n'a fait sourciller personne, ou presque. C'est vrai qu'en d'autres temps, il y aurait eu une avalanche de réactions. Là, cela fait plus de 48 heures que je scrute les réseaux sociaux. Et rien, à part deux communistes et un écolo qui se baladent sur Twitter. Et pourtant l'information a été relayée. Et pourtant c'est du pain béni pour l'opposition. Quelqu'un a entendu Benoît Hamon ? Non. Et Marine le Pen ? Non plus. Et la France insoumise ? Pas de réaction des Insoumis, sans doute trop occupés par les affaires médiatiques de Raquel Garrido.
Comment l'expliquer ? D'abord parce que l'opposition est tétanisée. Elle ne trouve pas d'angle d'attaque. Cela fait six mois que les uns et les autres montent au créneau sur l'ISF, sur le "président des riches", sur les cadeaux aux riches, les yachts en tous genres. Et ça ne fait pas vraiment recette dans les manifs. Ensuite, il y a toute une partie des Français qui attendent de voir. Six mois c’est court. Il y a des réformes qui arrivent : la formation professionnelle, l’apprentissage, l’assurance chômage. Donc certains se disent "Voyons si ces chantiers produisent des résultats".
Et puis peut-être que le discours "décomplexé" sur l'argent a peu à peu infusé. C'est à se demander si les mentalités ne sont pas en train de changer un petit peu. Stéphane Richard, au Grand Jury dimanche dernier,a donné le montant de son ISF : 250.000 euros. C'est rare dans notre pays un patron qui donne des chiffres. C'est rare en général de parler de ce qu'on gagne ou de ce qu'on paye en impôts. C'est sale chez nous de parler de sous. C'est vrai que dans notre bonne France catholique, la richesse c'est le vice, la pauvreté c'est la vertu. Je schématise à peine.
Et pourtant. Regardez lorsque Michel Sapin réclame à Bercy la liste des 100 premières fortunes qui vont bénéficier de la réforme de l'ISF, personne n’embraye. Ça fait "pschitt". Regardez les "Paradise papers" : il y a eu un déluge d'informations à propos de tous ceux qui ont fait de l'optimisation fiscale. Bon, ça a fait l'effet d'un pétard mouillé. C'est comme si le discours anti-riches était moins répandu.
C'est comme si, à force d'entendre Emmanuel Macron dire que les jeunes devaient avoir envie de devenir milliardaires, à force de l'entendre vanter ceux qui réussissent (les "premiers de cordée", censés entraîner les autres), le propos s'était un peu banalisé. C'est comme si la réussite était vue comme moins obscène. Comme le dit l'essayiste Pascal Bruckner, pour y parvenir totalement il faudra "passer de l'envie à l'émulation". Il ajoute : "En Italie, quand vous avez une belle voiture, les gens vous félicitent. En France, ils sortent leurs clés pour vous la rayer".