Alors que le malaise agricole ne faiblit pas, François Hollande devait recevoir ce mardi 2 février à l'Élysée le patron de la FNSEA, Xavier Beulin, et le représentant des jeunes Agriculteurs. Ce rendez-vous ne devait pas être médiatisé. Il n'y avait pas de rencontre officielle prévue. D'ailleurs, il n'était pas inscrit à l'agenda du Président. Pourquoi ? Parce que le chef de l'État n'avait pas prévu de faire d'annonces. Cette rencontre, c'était une séance de calinothérapie. Du côté des dirigeants des syndicats agricoles, on préférait rester discret sur cet entretien pour ne pas "exciter les troupes". Sauf que le week-end dernier, Stéphane Le Foll a vendu la mèche. Il l'a annoncé à la presse. Apparemment, le ministre de l'Agriculture avait besoin de le faire savoir. Dans ce moment de crise, il voulait communiquer, montrer que tout le monde - et surtout lui - était sur le pont pour les agriculteurs.
En fait, il ne vous a pas échappé que l'on avait un nouveau ministre de l'Agriculture... en Bretagne. Oui Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, et président de la région. Vous ne l'avez pas entendu au Grand Jury RTL ? "Nous allons élaborer un projet d'ici à la fin de la semaine", a-t-il dit. "Nous" : comprenez Stéphane Le Foll et moi, co-gestionnaires de la crise. Il ne vous a pas échappé non plus que Manuel Valls est désormais en pointe sur le dossier. Le Premier ministre recevra les responsables agricoles le 17 février prochain, dix jours avant le salon de l'agriculture. Parce que bien sûr, il ne vous a pas échappé qu'entre les agriculteurs et leur ministre de tutelle, on est loin de "l'Amour est dans le pré".
Ils trouvent que leur ministre a un peu trop pris le large. Ils n'aiment pas du tout qu'il soit porte-parole du gouvernement en plus de son portefeuille de l'agriculture. Ils voudraient ne l'avoir que pour eux. Ils considèrent que l'agriculture c'est un sujet en soi. Et puis Stéphane le Foll a son franc-parler : ça non plus ça ne plait pas à tout le monde. Ce qui est étrange c'est qu'en 2012, la FNSEA avait soutenu son arrivée au gouvernement. Le Foll c'était le seul qui avait la fibre agricole. Il était de la Sarthe. Il avait enseigné au début de sa carrière dans un lycée agricole. Et surtout, il défendait ardemment la filière lorsqu'il était au Parlement européen. Il avait tout pour plaire.
Il est devenu le bouc-émissaire de tous les renoncements - ce qui est d'ailleurs assez injuste -, au point que certains ne paient pas cher de sa peau lors du prochain remaniement. C'est à se demander si ce n'est pas le ministère impossible, le ministère du énième plan de sauvetage. Oui, les prix sont trop bas pour que les agriculteurs puissent se rémunérer. Oui, l'administration les étouffe. Oui, les normes sont trop importantes. Mais ce qu'il faudra un jour à ce secteur, ce n'est pas seulement des subventions, mais une révolution.
La rupture est consommée depuis longtemps entre les "frondeurs" et François Hollande. Ils ne croient plus en lui. Ils veulent même organiser une primaire, si possible sans lui, même s'ils ne le disent pas aussi franchement. L'un d'eux a un souvenir très précis de sa seule rencontre avec le Président. "Je ne l'ai vu qu'une fois en quatre ans, une fois deux heures, nous étions plusieurs frondeurs", raconte-t-il. "Ce jour-là, poursuit-il, François Hollande très sérieusement nous a dit : 'Le problème avec vous c'est que vous êtes sincères. Alors trouvez-moi des solutions de gauche, mais qui ne changent pas ma politique'". Le "frondeur" en question n'en est toujours pas revenu. Depuis, il philosophe : "Il faut accepter d'avoir perdu la magie du verbe présidentiel", lâche-t-il.
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