Christiane Taubira peut-elle encore rester ministre de la Justice alors qu’elle était contre la déchéance de nationalité des terroristes binationaux nés en France, finalement décidée par François Hollande ? La réponse est clairement non, même si légalement elle peut bien sûr rester. Si le sens de l’honneur veut encore dire quelque chose, Christiane Taubira devrait donner sa démission. Souvenez-vous de Jean-Pierre Chevènement qui a démissionné deux fois sous François Mitterrand. Il avait dit : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Sa sortie avait au moins du panache, et elle reste.
Dans le cas contraire, si l’autorité présidentielle veut encore dire quelque chose aussi, c’est François Hollande qui doit la débarquer. Il l’avait décidé pour moins que cela en limogeant Delphine Batho qui, en 2013, contestait la politique budgétaire du gouvernement. Attention, sa démission ou son renvoi va peut-être intervenir dans les prochaines heures. Mais si ce n'était pas le cas, c’est la noblesse de l’engagement politique, déjà bien entamée ces dernières années, qui serait bafouée.
Qu'on l’apprécie ou pas, Christiane Taubira est dans une position intenable, proche du mépris pour les Français, d’ailleurs favorable à cette réforme. Que se passe-t-il si elle reste ministre ? D'abord, personnellement, elle perdrait son image d'icône de la gauche, acquise avec la défense du mariage pour tous. Cette gauche qui, de la gauche du PS à Mélenchon en passant par les écologistes, est vent debout contre la déchéance de nationalité. À leurs yeux, Taubira deviendrait un traître à la défense des grands principes républicains. Elle se compromettrait à jamais.
Ensuite, comment pourrait-elle porter cette réforme devant la représentation nationale puisque c’est au garde des Sceaux que revient cet honneur ? Comment pourrait-elle débattre, contrer les critiques et s’en sortir par l’ironie comme elle aime à le faire ? Même en la remplaçant dans ce rôle, le premier ministre ne pourra pas étouffer le malaise et la polémique.
Si elle restait, ce serait pour François Hollande un handicap considérable. Car il aura à rallier la droite, dont il aura besoin des voix - et ce n’est pas acquis -, puisqu'une partie de la gauche refusera de voter la déchéance. L’image de père de la nation qu’il veut se forger serait atteinte.
La droite, qui adore détester Taubira, ne manquerait d’arguments. Elle rappellerait sans cesse que c’est depuis l’Algérie, sur une radio étrangère, que Christiane Taubira a exprimé son désaccord et trahi la parole présidentielle. Au mépris de la souveraineté nationale. Hollande est un expert de la synthèse et des compromis inextricables. Mais là, on le voit mal s’en sortir sans trancher.