Alba Ventura : "Pour Bayrou, la route est droite mais la pente est rude"
CHRONIQUE - Après l'annonce de la retraite politique de Jean-Louis Borloo, les grenouilles centristes ont recommencé à s'affoler. Le Centre était une belle affiche. Mais ça ne tenait que par le metteur scène...

Jean-Louis Borloo a annoncé dimanche 6 avril son retrait de la vie politique pour raisons de santé. Il abandonne notamment son mandat de député. Mais on sent aussi qu'il laisse ses amis de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) très désemparés.
Borloo, le trait d'union
Jean-Louis Borloo était l'artisan de la renaissance du Centre. C'est lui qui a d'abord permis à toutes les petites chapelles centristes de se fiancer. C'est lui qui est allé chercher François Bayrou pour le grand mariage. Il a fait cela comme un avocat d'affaires. Il vous emporte par sa passion. Il négocie, trouve des compromis, plaide pour la cause.
Dans cette affaire du Centre ressuscité, le trait d'union, c'est Jean-Louis Borloo. Sans ce trait d'union, il n'y avait pas de Centre. Certains disaient que tout ça allait retomber comme un soufflé. Peut-être. Parce que Jean-Louis Borloo est aussi atypique qu'il est baroque. Borloo, c'est une sorte de bonimenteur intelligent qui vous vendrait du sable au Sahara. C'est l'homme qui vous galvanise des troupes, mais qui peut aussi bien caler avant une candidature à la présidentielle. C'est pour cela que le Centre sans Borloo, c'est quand même un peu fade.
Gros egos
Il y a déjà deux centristes qui se sont disputés ce week-end pour répondre à Manuel Valls après son discours de politique générale ce mardi 8 avril à l'Assemblée. C'était Jean-Louis Borloo qui devait tenir ce rôle. Lundi, une députée européenne UDI a claqué la porte, en écrivant ceci : "Je vous souhaite bonne chance, car il vous en faudra pour exister dans la vie politique française sans la personnalité de notre président." Ça vous donne une idée de l'ambiance
On se demande si tout ne va pas se fragmenter sans Jean-Louis Borloo. Chez les centristes, on n'est pas des enfants de chœur. En plus, on a de gros "egos". Il va falloir nommer un président de groupe à l'Assemblée nationale, il va falloir trouver un président pour l'UDI et un président du Parti radical. Cela fait trois postes pour au moins cinq personnalités. Cela aiguise les appétits.
Il n'en faudrait pas beaucoup pour que cela se termine comme la guerre de succession à l'UMP entre Copé et Fillon..
Bayrou n'est pas le bienvenu
François Bayrou peut-il en profiter. Pour le président du MoDem, la route est droite mais la pente est rude. Il doit sans doute se sentir pousser des ailes après sa victoire à Pau. Il fait des bonds dans les sondages en ce moment. Il doit se dire aussi qu'il y a un coup à jouer aux élections européennes - un scrutin qui réussit plutôt bien aux centristes. Le pronostic, c'est de se placer entre l'UMP et le PS...
Cela peut donner quelques idées à François Bayrou, même s'il répète qu'il sera maire de Pau "à 200%". Il a des soutiens à l'UMP (Alain Juppé, notamment). Cela peut l'aider. François Bayrou n'oublie jamais qu'il a fait 17% à la présidentielle en 2007. Au fond, l'autre figure du Centre, c'est lui.
Là où la pente est rude pour lui, c'est qu'il a fait quelques triple lutz piqués ces derniers mois : un coup au centre, un coup du côté de Hollande, et un coup au centre-droit. Il ne s'est pas fait que des amis chez les centristes. Il n'est pas vraiment le bienvenu.
À propos du Centre, François Bayrou dit que "c'est une brouette de grenouilles qui passent leur temps à vouloir s'échapper". D'ici à ce que les grenouilles quittent définitivement la brouette, il n'y a qu'un pas.
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