La police et la justice vont finalement se pencher sur le montage immobilier de Richard Ferrand. Le procureur de Brest annonce, jeudi 1er juin, avoir saisi la police judiciaire de Rennes pour ouvrir une "enquête préliminaire". Les enquêteurs auront pour mission de "recueillir tout élément permettant une analyse complète des faits et de rechercher si ceux-ci sont susceptibles ou non de constituer une infraction pénale en matière d'atteintes aux biens, de manquements au devoir de probité et aux règles spécifiques du code de la mutualité", indique Eric Mathais, procureur de la République.
Tandis que le procureur de la République de Brest (Finistère), Éric Mathais, indiquait qu’il n’y avait pas lieu "en l'état" d’ouvrir une enquête le 26 mai, le magistrat a confirmé le 1er juin qu’il était revenu sur sa décision sur Twitter : "Après analyse des éléments complémentaires susceptibles de mettre en cause M. Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires, révélés par différents organes de presse de le 26 mai, j’ai décidé de saisir ce jour, la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes enquête préliminaire".
Les révélations successives du Canard enchaîné, du Monde, du Parisien et du Télégramme semblent donc avoir amené la justice à changer de position sur le dossier du ministre. L'ex-élu socialiste rallié de la première heure à Emmanuel Macron, est confronté à une polémique et à des appels à la démission depuis des révélations notamment sur une location immobilière des Mutuelles de Bretagne impliquant sa compagne.
À Brest au cours de l'année 2011, selon Le Canard Enchaîné, les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était le directeur général de 1998 à 2012, souhaitent louer des locaux commerciaux pour ouvrir un centre de soins. Parmi trois propositions, l'organisme dirigé par Richard Ferrand a choisi celle d'une société immobilière appartenant à sa compagne. Cette dernière a alors monté très rapidement une société civile immobilière (SCI) et que la promesse de location lui a permis d'obtenir un prêt bancaire équivalent à la totalité du prix des locaux. Outre une rénovation complète des locaux par la mutuelle pour 184.000 euros, la valeur des parts de la SCI aurait été multipliée par 3.000 six ans plus tard.
Le dossier de Richard Ferrand s'est également compliqué lorsque que l'avocat à l'origine du montage financier au cœur de la polémique avait livré un témoignage à charge dans les colonnes du Parisien. "J'ai tout de suite compris la manœuvre, et cela m'avait choqué à l'époque", dénonce l'ancien avocat qui ne mâche pas ses mots : "Richard Ferrand allait louer l'immeuble à la mutuelle et il allait s'enrichir avec tous les travaux à la charge de celle-ci. Il faut appeler un chat un chat".
Le Monde affirme par ailleurs que Richard Ferrand "a fait bénéficier de plusieurs contrats des proches, dont son ex-femme et sa compagne". Par la suite, il a embauché entre septembre 2012 et janvier 2014 comme assistant parlementaire le compagnon de la femme lui ayant succédé à la tête des Mutuelles de Bretagne.
Puis lorsqu'il est devenu député socialiste du Finistère en 2012, il a déposé une proposition de loi "favorisant les intérêts du monde mutualiste" alors qu'il était à ce moment-là rémunéré par les Mutuelles de Bretagne à hauteur de 1.250 euros par mois pour un poste de chargé de mission. Dans sa déclaration d'intérêts remplie en 2014 comme député auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Richard Ferrand fait état de rémunérations comme directeur général des Mutuelles de Bretagne jusqu'en 2013, et indique conserver l'activité de "chargé de mission auprès de la direction générale" du même établissement, avec pour ce dernier poste une rémunération de 1.250 euros par mois.
Il ne peut pas ne pas y avoir d'enquête
L'avocat d'Anticor
Mercredi 31 mai, l'association anticorruption Anticor avait d’ailleurs adressé une plainte au parquet de Brest pour demander l'ouverture d'une enquête. Cette plainte contre X sur le fondement du délit d'abus de confiance vise "Richard Ferrand, mais également les membres du conseil d'administration des Mutuelles de Bretagne (qu'il dirigeait) ainsi que la bénéficiaire de l'opération, à savoir la compagne de M. Ferrand", a détaillé Jean-Christophe Picard, président d'Anticor.
L'association "s'interroge sur l'intérêt de la convention" passée entre les Mutuelles de Bretagne et la compagne de Richard Ferrand, et "souhaite qu'une enquête soit diligentée pour déterminer les responsabilités", a-t-il ajouté. Pour l'avocat de l'association, Jérôme Karsenti, "il ne peut pas ne pas y avoir d'enquête".
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