Mort d'un sans-papier en garde à vue : la justice bloque-t-elle l'enquête ?
Y a-t-il un problème avec une juge d'instruction de Nanterre, chargée d'enquêter sur la mort d'un sans-papier malien le 24 janvier 2005 ? Cet homme, interpelé pour séjour irrégulier, est décédé durant sa garde à vue à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine. La version des policiers ne correspondrait pas avec celle des médecins légistes, mais la juge n'aurait pourtant pas donné suite.
En août 2009, à la suite du versement au
dossier d'un complément d'expertise de l'Institut médico-légal (IML)
contredisant la version policière, le parquet de Nanterre avait demandé
à la juge d'instruction Béatrice Deshayes d'entendre les experts et des
policiers en poste lors du drame.
"La juge d'instruction n'a
répondu ni à ma demande de mise en examen des policiers, ni aux
demandes du parquet", dénonce l'avocat.
Le parquet a confirmé qu'aucun acte n'est intervenu depuis août dernier.
"On
en enfin des éléments objectifs et elle prend la décision délibérée de
ne rien faire", dénonce l'avocat, qui "examine" la possibilité de
demander la récusation de la magistrate ou de demander qu'un second
magistrat instructeur soit saisi à ses côtés.
Selon la version
policière, Abou Bakari Tandia, interpellé le 4 décembre pour séjour
irrégulier, se serait volontairement cogné la tête contre la porte de
sa cellule, provoquant lui-même son coma.
Mais dans leur rapport,
les trois experts de l'IML ont constaté que "nulle part" dans les
différents dossiers n'apparaît "une lésion traumatique crânienne ou
crânio-faciale par choc direct contre un plan dur".
De plus, en
raison de "l'exiguïté de la cellule", "la déclaration" d'un gardien de
la paix "qui aurait assisté à la projection de la victime contre la
paroi de la cellule de la garde à vue est peu compatible avec les
constatations médicales et médico-légales", écrivaient-ils également.
Dans
un rapport précédent, les experts de l'IML, qui n'avaient pu accéder
qu'à une partie du dossier médical, avaient évoqué un "choc de la tête
contre un plan dur", dont l'origine ne pouvait "être déterminée".
Samedi,
l'association Vérité et Justice pour Abou Bakari Tandia et Amnesty
International distribueront entre 11h et 17h dans le centre de
Courbevoie une pétition sous forme de lettre à la Garde des Sceaux.
A
l'occasion du 5e anniversaire de la mort du Malien, le texte demande à
Michèle Alliot-Marie "de veiller à ce que l'enquête en cours soit
poursuivie sans délai".