La Turquie est une nouvelle fois frappée par le terrorisme. Plusieurs explosions suivies de coups de feu ont retenti mardi 28 juin aux alentours de 22 heures à l'aéroport international Atatürk d'Istanbul, le plus grand de Turquie et l'un des plus fréquentés et sécurisés au monde. Selon les autorités turques, au moins trois kamikazes, et non deux comme annoncé initialement, se sont fait exploser avant de passer les contrôles de sécurité après avoir ouvert le feu sur des voyageurs avec des kalachnikovs à l'entée du terminal des vols internationaux.
Le Premier ministre turc Binali Yildirim a annoncé que l'attaque avait fait 36 morts, dont des étrangers, sans préciser le nombre de blessés, qui serait de 147 selon plusieurs médias. Un précédent bilan fourni par le gouverneur de la première mégapole de Turquie, Vasip Sahin, faisait état de 28 morts et de 60 blessés. L'attentat n'a pas été revendiqué pour l'heure, mais "les indices pointent Daesh", a déclaré le Premier ministre devant la presse sur les lieux de l'attaque, avant d'ajouter que les assaillants étaient arrivés à bord d'un taxi à l'aéroport. Le chef du gouvernement a également rejeté toute défaillance en matière de sécurité dans l'aéroport, plus grand de Turquie, troisième Européen et le onzième dans le monde, qui a vu transiter l'an dernier quelque 60 millions de passagers.
Plus d'une dizaine d'ambulances ont été dépêchées sirènes hurlantes vers le terminal des vols internationaux, a indiqué la chaîne d'information CNN-Türk. Selon des témoins cités par cette chaîne, deux ou trois violentes déflagrations ont secoué le terminal provoquant un mouvement de panique parmi les passagers. "C'était très fort, tout le monde a paniqué et s'est mis à courir dans toutes les directions", a dit l'un d'eux sur CNN-Türk.
De nombreux policiers ont établi un périmètre de sécurité sur les lieux. Des photos diffusées sur les réseaux sociaux montraient d'importants dégâts matériels à l'intérieur du terminal et des passagers gisant au sol. Dans un premier temps, tous les vols ont été suspendus avant de reprendre vers 3 heures. Les consulats américain et français ont conseillé à leurs ressortissants de ne pas se rendre dans la zone de l'aéroport.
Des témoignages affirment que des échanges de tirs se sont produits sur le parking de l'aéroport. Un responsable turc a indiqué que la fusillade provenait de tirs de la police afin de neutraliser des suspects à l'entrée de l'aéroport. Selon plusieurs témoignages de journalistes sur place, la télévision d'État est désormais le seul média autorisé à couvrir le sujet, les autorités turques imposant un black-out médiatique sur les images et les informations après chaque attentat frappant le pays avant de livrer les premières conclusions de l'enquête.
Abdullah Agar, expert des affaires de sécurité et de terrorisme, interrogé par CNN-Türk, a privilégié la thèse d'un attentat jihadiste. "Cela ressemble beaucoup à leurs méthodes", a-t-il dit, en référence aux attaques survenues dans l'aéroport et le métro de Bruxelles. La police turque a affirmé à l'agence de presse Dogan qu'elle penchait également pour l'hypothèse jihadiste.
La Turquie vit depuis plusieurs mois en état d'alerte renforcée en raison d'une série d'attaques attribuées à des jihadistes de l'organisation État islamique ou liées à la reprise du conflit avec la rébellion kurde du PKK en juillet 2015 après un cessez-le-feu de deux ans. Les deux plus grandes villes de Turquie, Istanbul et la capitale Ankara ont été secouées depuis le début de l'année par une vague d'attentats qui a fait plus de 200 morts et qui ont été attribués à l'État islamique - qui n'en a revendiqué aucun - ou aux rebelles kurdes, notamment aux Faucons de la liberté du Kurdistan, dits le TAK, une émanation du PKK qui a fait de l'industrie touristique, secteur clé de l'économie turque, une de ses cibles privilégiées.
Le 7 juin, onze personnes ont été tuées dans un attentat à la bombe perpétré dans le coeur historique d'Istanbul par le TAK. Le 19 mars, un attentat-suicide attribué par les autorités à l'État islamique avait déjà tué quatre touristes étrangers en plein centre de la mégalopole. Six jours plus tôt, une attaque à la voiture piégée avait tué 35 personnes dans le centre d'Ankara, où 29 personnes avaient déjà perdu la vie dans une attaque du même type le 17 février, toutes deux revendiquées par le TAK, qui avait également endossé la responsabilité de l'attaque d'un autre aéroport d'Istanbul, Sabiha Gokcen, où un employé avait été tué en décembre dernier.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé mardi soir un appel à une "lutte commune internationale". "J'espère vivement que l'attaque visant l'aéroport Atatürk sera un tournant, une charnière, pour la lutte commune à mener, avec en tête les pays Occidentaux, sur toute la planète contre les organisations terroristes", a-t-il estimé dans un communiqué. Les opposants du régime verront dans cet attentat un nouveau désaveu pour le chef de l'État turc, qui a remporté les élections législatives du 1er novembre en promettant d'éradiquer la rébellion kurde et en se posant en seul garant de l'unité et de la sécurité du pays, en jouant à fond la carte de la polarisation sur le thème de "l'AKP (le parti présidentiel, ndlr) ou le chaos".
Les marques de solidarité avec la Turquie n'ont pas tardé à affluer. Washington a condamné des attaques "abominables" et promis son soutien à Turquie, "notre allié et notre partenaire dans l'OTAN". "L'aéroport international Atatürk, comme l'aéroport de Bruxelles qui a été attaqué plus tôt cette année, est le symbole des connexions internationales et des liens qui nous unissent", a déclaré John Earnest, porte-parole de l'exécutif.
De son côté, le président français François Hollande a "condamné fermement" un "acte abominable", lors d'une conférence de presse, à l'issue du premier jour du sommet européen à Bruxelles. Le Premier ministre Manuel Valls s'est dit sur Twitter "horrifié" par une attaque "barbare", faisant part du soutien de "la France avec les Turcs contre le terrorisme". Le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a également réagi dans un communiqué, précisant que le Consulat à Istanbul et l'ambassade à Ankara ont ouvert une cellule de crise joignable au +90 212 334 87 50.
Dans le monde entier, les internautes n'ont pas tardé à exprimer leur émotion et leur soutien envers la Turquie, notamment sur Twitter où le hashtag #PrayFo