Elle risque la peine de mort pour terrorisme. La Française Mélina Boughedir, 27 ans, comparaît ce dimanche 3 juin devant la cour criminelle de Bagdad, en Irak, pour avoir grossi les rangs de Daesh. Conduite à l'aube par les forces spéciales irakiennes, elle va devoir patienter dans un couloir avec des dizaines d'autres détenus, car la justice irakienne tourne à plein régime pour tenter de juger les milliers d'hommes et de femmes suspectés d'avoir rejoint l'État islamique.
Pas de traitement de faveur pour les étrangers : Mélina Boughedir aura seulement quelques minutes pour parler. Son procès ne devrait pas durer plus d'une heure, verdict compris. On est loin d'un procès équitable pour ses avocats français, qui ont décidé faire le voyage pour être aux côtés de leur cliente. Sa défense s'annonce compliquée - personne, jusqu'ici, n'a réussi à la rencontrer en détention, pas même son avocat irakien.
"Les règles sont vraiment strictes pour les prisonniers terroristes, surtout les étrangers, confirme maître Nasserdine Madloud Abed. La seule fois où j'ai vu Mélina c'était au tribunal, quelques minutes. On sent que la pression est immense sur son dossier. Entre le gouvernement français qui suit cela à distance et les avocats français à coté de moi, je sens la pression peser sur mes épaules", raconte l'avocat.
Nasserdine Madloud Abed prend beaucoup de risques en assurant la défense de la jeune femme. "Daesh a fait tellement de victimes ici que les Irakiens sont en colère. Ils ne comprennent pas comment on peut défendre des personnes accusées de terrorisme", explique-t-il.
Lors d'une première audience, Mélina Boughedir a juré qu'elle n'avait fait que suivre son mari et qu'elle n'était qu'une simple femme au foyer à Mossoul. Mais a-t-elle des regrets ? Va-t-elle demander à la France de la rapatrier ? C'est évidemment ce que vont lui demander ses avocats à l'audience, même s'ils n'auront pas le droit de plaider.
En tout cas, le dossier de Mélina Boughedir, que seul son avocat irakien a pu lire, est épais. Dans les dizaines de pages se trouvent des rapports d'interrogatoires des forces antiterroristes irakiennes, mais aussi d'enquêteurs français venus sur place à l'automne dernier.
Une photo pèse particulièrement lourd : on y voit la Française, tout sourire, faire le "V" de la victoire dans un blindé, alors qu'elle vient d'être arrêtée en pleine bataille de Mossoul. Des soldats racontent qu'elle psalmodiait des messages de soutien à Daesh. On est alors en juillet 2017, Mélina Boughedir vient de passer deux mois terrée dans une cave, avec ses enfants affamés et recouverts de poussière.
Depuis, trois de ses enfants ont été rapatriés et pris en charge par les services sociaux. Mais la française a toujours son bébé avec elle en prison, une petite fille de un an et quatre mois, et en Irak personne n'est capable de dire, même au plus haut niveau, ce qu'il adviendra de la fillette si jamais sa mère est condamnée à mort ou à de la prison à vie.
La France va suivre de très près ce verdict, et c'est toute l’ambiguïté de la position française. Les jihadistes français doivent être jugés sur place. Officiellement, la France n'a pas à se mêler de ces procès. Mais moins de 48 heures avant l'ouverture du procès, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a qualifié Mélina Boughedir de terroriste combattante.
"Si la conclusion est que cette femme doit rentrer en France parce qu'elle est innocente alors effectivement il ne faudra plus se satisfaire des discours de simplification du gouvernement français", réagit l'un des avocats sur place, maître Pradel. Un élément nouveau pourrait d'ailleurs peser dans la décision aujourd'hui : la justice française réclame elle-même Mélina Boughedir, avec un mandat d'arrêt international émis il y a quelques jours seulement.
l'avocat