Dimanche, la Turquie, débordée par la guerre en Syrie et la crise des réfugiés, va voter pour élire son parlement. La stabilité du pays est en jeu et ça nous concerne directement. La correspondante de RTL à Istanbul racontait qu'elle n'a jamais vécu une telle tension. Depuis le plus grave attentat de l'Histoire de la Turquie républicaine, le 10 octobre à Ankara - plus de 100 manifestants tués - les habitants d'Istanbul sont persuadés que c'est eux la prochaine cible. "Quand je prends le bus pour traverser le Bosphore, je vois les passagers qui regardent les sac, qui s'épient et qui retiennent leur souffle", disait Camille Guillot. Le bus va-t-il exploser au milieu du pont ? Le pays va-t-il imploser au milieu du pont ?
La Turquie, qui fait le pont justement entre l'Orient et l'Occident, entre ce qui reste de la Syrie et l'Europe va-t-elle sombrer dans la guerre civile ? Sans exagérer, c'est ça LA question. La Turquie est une marmite au bord de l'explosion avec un apprenti sorcier qui s'appelle Recep Erdogan. Le président de la Turquie est au pouvoir depuis 13 ans. Il y a quelques années, il était pourtant le modèle à suivre.
Erdogan voulait être le nouvel Ataturk, le père de la Turquie. Il voulait refonder le pays. Ses opposants l'appelaient le "nouveau sultan". Maintenant, on parle de lui comme d'un "dictateur" sans oser le dire publiquement de peur d'être jeté en prison. Après des années de réformes démocratiques, la Turquie fait marche arrière. On fait taire les médias d'opposition. Recep Erdogan a presque fait comme Vladimir Poutine. Il était premier ministre, il est devenu président. Mais, le président n'ayant pas de pouvoir, comme Poutine, il a mis une marionnette à la tête du gouvernement et il aurait voulu changer la constitution et devenir un hyperprésident.
Sauf que depuis 2011, depuis la guerre en Syrie, la donne a changé. Le Président turc est emporté par le chaos à sa frontière. La Turquie partage 800 km de frontière poreuse avec la Syrie. La seule solution pour se maintenir au pouvoir, c'est donc d'expliquer que sans lui et son parti l'AKP au pouvoir, ce sera pire et c'est ce que disent les spots de campagnes.
L'autre moteur d'Erdogan pour se maintenir au pouvoir, c'est sa crainte de terminer en prison pour corruption. Ses ex-amis ont fait fuiter une conversation entre lui et son fils à qui il demande de cacher 30 millions de dollars ! La prison ou le pouvoir. C'est pour garder son immunité qu'Erdogan s'accrochera jusqu'au bout. Et c'est cet homme, qui se retrouve aujourd'hui plus que jamais au centre du jeu. Avec la guerre en Syrie et les réfugiés qui affluent, l'Europe n'a jamais eu autant besoin d'Ankara.
Erdogan l'a bien compris. Vous vous souvenez, il y a 10 ans, on discutait de l'adhésion à l'Union Européenne. Puis on a tout gelé. Le président turc prend sa revanche."Vous voulez que je retienne les 2 millions de migrants syriens en Turquie ? Et bien arrêtez de m'embêter sur les libertés. Et puis reprenons les discussions sur l'adhésion", dit en substance le président turc. L'Europe face à Erdogan a peu de marge de manœuvres. On estime qu'il y a 2.000 ou 3.000 militants de l'Etat Islamique en Turquie.
"Je ne veux pas faire de catastrophisme, confiait Bay-Ram Balchi, chercheur au CERI, mais nous avons fortement intérêt à ce que la Turquie ne se transforme pas en une nouvelle Syrie. On aurait alors, en Europe, des migrants Syriens et Turcs."