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L'Inde retire ses grosses coupures pour lutter contre la corruption

ÉDITO - L'économie indienne accuse le coup de la décision radicale début novembre de mettre fin à la valeur légale des billets de 500 et 1.000 roupies.

Des billets de 500 roupies
Des billets de 500 roupies
Crédit : AFP / INDRANIL MUKHERJEE
François Lenglet : l'Inde retire ses grosses coupures pour lutter contre la corruption
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L'Inde retire ses grosses coupures pour lutter contre la corruption
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François Lenglet & Loïc Farge

C'est une curieuse révolution qui met par terre l'économie de l'Inde et de son milliard d'habitants. Cette opération incroyable a été décidée le 8 novembre dernier par le premier ministre indien Narendra Modi. Du jour au lendemain, les billets de 500 et de 1.000 roupies (ils représentent respectivement 7 et 14 euros) ont vu leurs cours légal suspendu. Ainsi, 85 % de la masse monétaire en circulation dans le pays a été démonétisée.

Les Indiens ont jusqu'à la fin de l'année pour les ramener à la banque et créditer leur compte avec. De nouveaux billets ont été émis, mais en nombre très insuffisant, et de surcroît les montants de change autorisés sont très faibles. Trois semaines après cette incroyable décision, l'économie indienne est au bord de l'apoplexie.

Qu'est-ce qui a motivé une pareille opération ? D'abord la lutte contre l'économie au noir, qui est extrêmement développée en Inde : 80% des paiements se font en cash, et seuls 5 % des contribuables payent des impôts. Ensuite la lutte contre la contrefaçon des billets, elle aussi très fréquente en Inde. Les nouveaux billets sont sécurisés. Surtout le gouvernement espère que cela va inciter les consommateurs à utiliser davantage les moyens de paiement dématérialisés, au moins dans les villes.

Enfin, l'objectif était aussi de moraliser la vie politique qui est littéralement pourrie par la corruption, et donc l'argent liquide. Lors des dernières élections en Inde, il n'y avait pas moins de 464 partis.

Catastrophe en vue pour le commerce indien

Depuis trois semaines, faire ses achats vire au bazar monumental pour les Indiens. Les anciens billets ne peuvent servir que dans les pharmacie et les hôpitaux, et encore en quantité limitée. Pour le reste, les citadins font des queues interminables devant les distributeurs de nouveaux billets et devant les banques. Il leur faut rapporter 23 milliards de billets de banque. Dans les campagnes, les salaires sont versés tous les jours, en liquide. Les gens ont donc du mal à se faire payer, même si leur rémunération quotidienne n'est que de 150 roupies (2 ou 3 euros).

Cela risque d'être une catastrophe pour le commerce. Les achats d'électro-ménager, par exemple, se font à 40% en cash. Le patron de Sephora, qui vend des parfums, redoute une chute des ventes de 20 à 25% jusqu'à décembre. C'est l'immobilier qui a pris un coup, car 15 à 20% des transactions se font en liquide, bien souvent pour recycler de les profits de l'économie au noir.

Même le e-commerce boit la tasse. En Inde, les commandes sont payées en liquide, au moment de la livraison. L'opération pourrait coûter à l'Inde deux points de croissance, sur le rythme actuel de 7% par an. Les seuls à profiter de la situation sont les applications de paiement dématérialisé, qui ont connu une hausse de téléchargements considérables.

Vers un "cashless" ?

Pourquoi n'a-t-on pas prévenu les Indiens à l'avance ? C'était justement pour éviter le recyclage des bénéfices illicites dans des actifs comme l'immobilier. Du coup, il a fallu prendre au piège tous les citoyens. Depuis quelques jours, cette surprise monétaire déchaîne une contestation monstre contre le gouvernement. Mais si l'opération réussit, cela pourrait mettre l'Inde sur la route de ce qu'on appelle le "cashless" ("l'économie sans liquide"), qui se développe à grande vitesse dans toute l'Asie, Chine y compris.

À terme, les finances publiques indiennes y gagneront, car dans une économie où les paiements sont dématérialisés et laissent des traces, on ne peut pas éviter l'impôt. L'opération, douloureuse au départ pour le peuple, pourrait donc se solder par un transfert financier considérable de l'économie au noir vers les citoyens ordinaires.

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