Il va sortir de prison quasiment en même temps que le nouveau James Bond. Physiquement, Jonathan Pollard n'a pas de point commun avec Daniel Craig. Barbe, un peu chauve, un peu bouffi, des lunettes rondes : il n'a pas l'air d'un 007. Il pourtant inspiré plusieurs films, dont en France Les Patriotes d'Éric Rochand. L'homme détient un record : il est le seul à avoir été condamné à la prison à vie aux États-Unis pour une affaire d'espionnage au profit d'un pays ami, Israël.
Nous sommes en novembre 1985, les années Reagan et de la Guerre froide. Jonathan Pollard, citoyen américain, a raté le concours de la CIA. Mais la Marine américaine, elle, l’intègre dans ses services de renseignements. Il est au bureau lorsqu'un vendredi après-midi, un collège de travail le voit transporter des documents qui sortent de son domaine de compétence. Il est arrêté. Mais pendant l'interrogatoire du FBI, il a le droit à un coup de fil à son épouse. Au téléphone, Pollard prononce le mot "cactus", le signal codé pour dire à sa femme de se débarrasser d'une valise de 32 kilos de documents. Sauf qu'Anne Pollard confie la valise à son voisin qui est officier de marine. C'est là qu'on bascule dans OSS 117.
Sauf que l'arrestation invraisemblable de Pollard a créé une grave crise entre les États-Unis et Israël. Contre des dollars et une bague en diamant et saphir, il a réussi à transmettre aux Israéliens des milliers de documents "secret défense". L'État hébreu niera avoir envoyé un espion pour infiltrer les services de renseignements de son allié américain. Farouchement, puis de moins en moins farouchement. En mai 1995, Pollard devient citoyen israélien. Il n'a jamais mis les pieds en Israël, mais il devient une icône nationale. On colle son visage sur les pare-brise à Jérusalem ou Tel Aviv.
Héros ou un traître ? Trente ans après, la question n'est toujours pas résolue
Rémi Sulmont
"Free Pollard" : des comités de soutien se sont créés pour demander la libération du "héros", comme le qualifie Jonathan Curiel, qui a tenté sans grand succès de relayer la mobilisation en France. "Pollard est un petit peu un Jean Moulin israélien, toute proportion gardée : il a transmis des informations pour la survie de son pays. Des informations qui ont été cher payées", explique-t-il.
Le fameux espion a-t-il réellement mis en péril le renseignement américain ? C'est ce que les Américains affirment toujours. Pollard a fait sortir des États-Unis des manuels de code de la NSA, l'agence de renseignement. Ces manuels se seraient ensuite retrouvés dans les mains des soviétiques. C'est pour cela que Barack Obama et les tous les présidents américains ont refusé à tous les premiers ministres israéliens de le gracier depuis trente ans. L'actuel locataire de la Maison Blanche refuse toujours d'accorder à Pollard l'autorisation de se rendre en Israël à la sortie de prison. Sans doute pour éviter la parade du "héros".
Jonathan Pollard devrait donc rester sur le territoire américain où l'affaire déchire encore la communauté juive. Pollard est-il héros pour avoir aidé Israël, ou un traître qui a vendu son pays pour des saphirs ? Trente ans après, cette question n'est pas résolue.
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