Pendant que Donald Trump se refuse à condamner nommément les groupuscules suprémacistes, des internautes n'éprouvent pas le moindre scrupule à mettre des noms sur les visages des néonazis. Les violences du 12 août à Charlottesville (États-Unis), dans lesquelles une manifestante antifasciste a été tuée, ont soulevé une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. Rapidement, la colère s'est répercutée dans une opération de chasse aux manifestants de ces groupuscules de l'extrême droite alternative américaine (dite alt-right).
Sur Twitter, des utilisateurs se sont lancés dans une entreprise d'identification des néonazis ayant participé au rassemblement dans la petite localité de Virginie. En s'aidant de photos dans lesquelles des militaires identitaires apparaissent à visage découvert, ils lancent des appels à retrouver leurs noms. Dès lors que ceux-ci sont connus, ils n'hésitent pas à les afficher sur la place publique, afin qu'ils soient couvert d'opprobre.
Dans cette campagne, un compte Twitter américain se trouve en première ligne : @YesYoureRacist ("Oui, vous êtes raciste"). L'utilisateur derrière ce compte créé en 2012 expliquait récemment sa démarche : exposer le "racisme ordinaire", notamment celui des "gens qui disent qu'ils ne sont pas racistes puis prouvent le contraire".
Un premier appel à la traque des néonazis a été lancé le soir-même des violences : "Si vous reconnaissez l'un de ces nazis qui marchent à Charlottesville, envoyez-moi leur nom/profil et je les rendrai célèbre #BonneNuitDroiteAlternative". Il n'a pas fallu attendre bien longtemps pour que les identités soient révélées, grâce à divers recoupements.
Cette croisade contre ces soutiens au Ku Klux Klan rencontre un succès non négligeable : le nombre de partages et de likes de ces tweets d'identification se comptent par dizaines de milliers. La popularité de @YesYoureRacist, comptant 278.000 abonnés, n'y est sans doute pas étrangère. À tel point que le premier manifestant identifié par ce compte, un homme californien appelé Cole White, a perdu son travail.
Son employeur, une chaîne de restauration, a confirmé auprès du DailyMail avoir arrêté sa collaboration avec l'intéressé. Peter Cvjetanovic, un manifestant de 20 ans dont la photo a rapidement fait le tour du web, a quant à lui tenté de se défendre dans une interview en expliquant ne pas être un "raciste en colère" et en assurant "prendre soin de tous les peuples".
La démarche s'apparente à du "doxxing", une pratique controversée (parfois illégale) du web visant à rechercher et dévoiler des informations personnelles confidentielles sur une personne. Souvent utilisée dans des cas de harcèlement sur Internet, elle ne fait pas non plus l'unanimité dans le cas présent. Au-delà des problèmes éthiques qu'une telle campagne peut poser, car cela peut s'assimiler à une volonté de se faire justice soi-même, elle revête aussi des risques.
Que se passera-t-il en cas s'il y a une erreur dans l'identification d'un(e) manifestant(e) ? En 2013, des utilisateurs du réseau social Reddit s'étaient trompés dans leur quête des coupables de l'attentat au marathon de Boston. La victime dont le nom avait été étalé sur Internet a fini par se suicider.