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Abou Mohammed al-Adnani, "ministre des attentats" de Daesh et vrai cerveau des attaques de Paris ?

PORTRAIT - Selon des responsables du renseignement américains et occidentaux, le véritable commanditaire des attentats de Paris est le Syrien Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l'État islamique, et non le franco-belge Abdelhamid Abaaoud.

Abou Mohammed al-Adnani, dans une vidéo de propagande diffusée sur YouTube le 8 juillet 2012
Abou Mohammed al-Adnani, dans une vidéo de propagande diffusée sur YouTube le 8 juillet 2012
Crédit : AFP
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Benjamin Hue

Abdelhamid Abaaoud n'est vraisemblablement pas le cerveau des attentats de Paris. Citant des sources françaises, Le Parisien affirme dans son édition de lundi 30 novembre que le véritable commanditaire des attaques qui ont coûté la vie à 130 personnes dans l'est de la capitale et à Saint-Denis vendredi 13 novembre est le porte-parole officiel de l'État islamique, Abou Mohammed al-Adnani

Son nom avait déjà été soufflé par le professeur de criminologie et consultant en sécurité Alain Bauer en fin de semaine dernière. Invité d'Europe 1le criminologue avait fermement rejeté l'idée qu'Abdelhamid Abaaoud puisse être le chef d'orchestre des attentats : "Abdelhamid Abaaoud n'est pas plus le cerveau que ma grand-mère. C'est un superviseur, un contre-maître. Les cerveaux de cette opération sont restés tranquillement à la maison".

Abdelhamid Abaaoud, simple exécutant

Sur la base de sources américaines et européennes, le New York Times a avancé le nom d'Abou Mohammed al-Adnani dès la semaine dernière pour étayer la thèse d'un changement de stratégie récent au sein de l'État islamique. Le quotidien explique que l'organisation terroriste n'appelle plus seulement au jihad de loups solitaires contre les ressortissants des pays membres de la coalition qui combat l'État islamique en Irak et en Syrie mais planifie et supervise désormais des attaques d'envergure à l'étranger depuis ses fiefs syrien et irakien. La récente vague d'attentats (du crash d'un avion russe dans le Sinaï au kamikaze de Tunis) en témoigne. 

D'après le New York Times, les responsables du renseignement français sont convaincus qu'un Syrien de 38 ans en charge de la supervision des opérations extérieures de l'État islamique nommé Abou Mohammed al-Adnani est au coeur de ce revirement stratégique. Le jihadiste belge Abdelhamid Abaaoud, longtemps présenté comme l'instigateur des attentats du 13 novembre et tué lors de l'assaut du RAID et de la BRI à Saint-Denis le 18 novembre, n'aurait donc été qu'un simple exécutant des ordres d'Abou Mohammed al-Adnani.

Il combattait déjà les États-Unis en Irak en 2003

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Né Taha Sobhi Falaha à Binnish, dans la région d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, en 1977, Abou Mohammed al-Adnani est bien connu des services de renseignement occidentaux. Il a combattu les États-Unis et la coalition en Irak lors du soulèvement sunnite qui a suivi la guerre de 2003. Selon le département d'État américain, il était alors l'un des premiers combattants étrangers sur place.

En mai 2005, il est arrêté dans la province d'al-Anbar, à l'ouest de l'Irak, sous le faux nom de Yasser Khalaf Hussein Nazal al-Rawi, et emprisonné jusqu'en 2010. Après sa libération, il gagne la Syrie où il est successivement nommé adjoint d'Abou Mohammed al-Jawlani (le dirigeant du front al-Nosra), chef de la sécurité puis chef des opérations extérieures de l'État islamique.

Porte-parole officiel de l'État islamique

Émir de l'organisation terroriste pour la Syrie, Abou Mohammed al-Adnani est l'un des plus fidèles lieutenants d'Abou Bakr al-Baghdadi, calife autoproclamé de l'État islamique. Il est surtout connu pour être son porte-parole officiel. Le 29 juin 2014, c'est lui qui a proclamé publiquement, en cinq langues, le rétablissement du califat - le régime politique islamique aboli il y a près d'un siècle par le président turc Mustafa Kemal Attatürk - sur un territoire qui s'étend de la province d'Alep au nord de la Syrie jusqu'à celle de Diyala, dans l'est de l'Irak. 

En septembre 2014, c'est encore lui qui appelle les musulmans du monde entier à tuer les ressortissants des pays membres de la coalition anti-EI dans un enregistrement audio de 42 minutes. "Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d'un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le. (...) tuez le mécréant, qu'il soit civil ou militaire", affirmait-il alors.

Et "ministre des attentats"

Abou Mohammed al-Adnani est bien plus qu'un porte-parole pour l'État islamique. Citant des responsables du renseignement occidentaux, le Sunday Times explique qu'il est une sorte de "ministre des attentats" de l'organisation terroriste. À la tête d'une unité en charge des opérations extérieures, qui aurait notamment orchestré les attentats de Paris, il dirigerait un réseau de cellules de jihadistes rentrés dans leur pays après avoir suivi un entraînement en Syrie et prêts à commettre des attentats chez eux. La France, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Belgique et l'Allemagne seraient particulièrement visées.

Les responsables du renseignement américain estiment qu'il est aussi à la tête de la propagande de l'État islamique, rapporte le Washington Post. Son importance au sein de l'organisation terroriste est également révélée par l'analyse de près d'un millier de vidéos diffusées par le groupe jihadiste sur les réseaux sociaux ces deux dernières années. "L'État islamique n'a jamais montré d'image d'al-Adnani. La seule raison est qu'il veut le maintenir en sécurité", explique au New York Times Javier Lesaca qui a conduit l'étude.

Sa tête mise à prix 5 millions de dollars

Sa tête a été mise à prix au mois de mai dernier par le département d'État américain, qui l'a intégré à sa liste "Rewards for justice" ("Récompenses pour la justice") où il côtoie Abou Bakr al-Baghdadi (dont la tête est mise à prix pour 10 millions de dollars) et le chef d'al-Qaida Ayman al-Zawahiri (dont la tête reste mise à prix pour 25 millions de dollars). Chaque personne en mesure de fournir des informations permettant de le capturer se verra remettre 5 millions de dollars.

En 2014, les Nations Unies l'ont intégré à la liste des talibans et membres d'al-Qaida visés par le Comité des sanctions. "Abou Mohammed al-Adnani est associé au réseau al-Qaida ou toute cellule, filiale ou émanation, ou tout groupe dissident parce qu'il participe au financement, à l'organisation, à la facilitation, à la préparation ou à l'exécution d'actes ou d'activités en association avec l'État islamique en Irak et au Levant, un alias d'al-Qaida en Irak", écrivait alors l'organe des Nations Unies.

Cible prioritaire de la coalition aérienne en Irak et en Syrie menée par les États-Unis, il pourrait également devenir celle du Royaume-Uni - qu'il a ciblé à de nombreuses reprises dans des messages audios - si David Cameron parvient à convaincre les députés britanniques de donner leur aval à des frappes aériennes en Syrie.

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