Le Livret A fête ses 200 ans : à l'arrivée, le gain pour les épargnants est nul
ÉDITO - C'est le placement préféré des Français. Créé le 22 mai 1818, le Livret A apparaît comme un placement sage et sûr. Mais côté rendement, on est loin des espérances.

Le livret A, créé le 22 mai 1818, fête ses deux siècles d'existence. Deux cents ans et toutes ses dents ? Pas du tout ! C'est ce qu'on découvre quand on calcule la rentabilité du Livret A sur longue période. C'est ce qu'ont fait les experts de Meilleurebanque, un site bancaire.
Si vous viviez au XIXe siècle, tout allait bien. Comme c'était un siècle quasiment sans inflation, la rémunération de ce produit conçu pour protéger l'épargne populaire était bonne. Même très bonne, avec 3,7% d'intérêts versés en moyenne chaque année.
Mais alors sur le XXe siècle, c’est la Bérézina ! Depuis l'an 1900, le rendement net du Livret A - c'est-à-dire une fois enlevée la hausse des prix - a été négatif 58 années, nul deux années et positif seulement 57 années. Soit une petite moitié des 117 dernières années.
Et les pertes sont bien supérieures au gain. En moyenne, une année perdante a occasionné un recul de 11%, alors qu'une année gagnante n'a rapporté que 2,9%.
L'inflation pèse sur la rémunération
Comment expliquer ces performances catastrophiques ? Pour l'essentiel, c'est l'inflation. En particulier durant les deux guerres, et surtout lors de la Seconde Guerre mondiale, où l'on observe des années à moins 48%.
À l'inverse, la grande crise des années 1930 a été, paradoxalement, plutôt favorable au placement favori des Français, parce que c'est une période où les prix à la consommation ont fortement chuté, à cause de la déflation que la dépression économique a déclenchée.
C'est la même chose après la Première Guerre mondiale où, là aussi, les prix ont chuté. Ce qui vaut à notre Livret un +21% en 1921
Depuis le milieu des années 1980, ça flotouille au-dessus de zéro
François lenglet
Depuis le milieu des années 1980 - en fait à partir du moment où l'inflation chute fortement - ça flotouille au-dessus de zéro. En moyenne, entre 1984 et 2014, le rendement du Livret A, avant la morsure de l'inflation donc, a été de 3,3%. Ça semble honorable, d'autant qu'il s’agit d'une rémunération qui n'est pas fiscalisée.
Mais comme le font remarquer les experts de Meilleurebanque, c'est beaucoup moins que les 10% offerts par les actions sur la même période. Ou même l'assurance-vie, à 6% (là aussi avant inflation et fiscalité).
Des avantages quand même
Je vais vous consoler quand même, en vous disant que ça n'a pas été perdu pour tout le monde. Si vous avez perdu, c'est que le gestionnaire de votre livret, la Caisse des dépôts et consignations (c'est-à-dire la puissance publique), a gagné, exactement à hauteur de votre préjudice. Et qu'elle a investi cet argent pour la collectivité, en modernisant le pays et en construisant du logement social.
Comment se fait-il qu'un tel produit ait le succès qu'il connaît ? Si sa rémunération est médiocre, il a quand même des avantages. Il est défiscalisé. Il est garanti par l'État. Et il est parfaitement liquide, exactement comme de l'argent déposé sur un compte en banque.
De nombreux Français s'en servent d'ailleurs comme un compte en banque, en multipliant les petits retraits au gré de leur consommation. Et aujourd'hui, alors que sa rémunération de 0,75% est inférieure à l'inflation, les Français possèdent encore plus de 55 millions de Livrets A, sur lesquels sont déposés 278 milliards d'euros.