L'écrivain et prix Nobel allemand Günter Grass est mort

L'écrivain et prix Nobel de littérature allemand Günter Grass est mort ce lundi 13 avril, a annoncé son éditeur sur son compte Twitter.

"Le prix Nobel de littérature Günter Grass est mort ce matin à l'âge de 87 ans dans une clinique de Lübeck", dans le nord de l'Allemagne, a indiqué la maison d'édition Steidl.

Le plus grand écrivain allemand de la 2e moitié du XXe siècle

Sur sa page internet, l'éditeur a publié plusieurs photos noir et blanc de l'écrivain: épaisse moustache, pipe toujours allumée et lunettes baissées sur le nez. Homme de gauche, réputé pour ses prises de position polémiques, Günter Grass, prix Nobel de littérature 1999, était l'écrivain allemand de la seconde moitié du XXe siècle le plus connu à l'étranger.

Lors d'une conférence de presse, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué que les autorités allemandes étaient "profondément bouleversées" par l'annonce de cette nouvelle "tragique".

Sur son compte twitter, l'écrivain britannique Salman Rushdie, s'est lui-aussi exprimé. "C'est très triste. Un vrai géant, un inspirateur et un ami. "Joue du tambour pour lui, petit Oskar", a-t-il écrit, en référence au héros du chef-d'oeuvre de Grass, "Le Tambour". Le roman fut un succès planétaire, adapté au cinéma par Volker Schloendorff en 1979. Le film a reçu la Palme d'Or à Cannes et l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.

Auteur engagé

Günter Grass fut la conscience morale de gauche de l'Allemagne d'après-guerre, pourfendant les omissions de sa classe dirigeante sur le nazisme dont il a tardivement reconnu avoir été un jeune soldat.

En 2000, son biographe français Olivier Mannoni le dépeignait en "Rabelais de la Baltique", "Gargantua de la politique" et "représentant multicarte de la vie intellectuelle", soulignant sa place au confluent de la littérature et du débat public allemand. 

L'auteur du "Tambour" (1959), s'exprimant dans une langue tour à tour savoureuse et grossière, laisse dans des fables d'une "gaieté noire", selon l'Académie suédoise, une oeuvre humaniste, critique envers les idéologies, soucieuse de la conscience du simple citoyen.

Engagé dans les Waffen-SS

Après la guerre, "mon naturel enjoué s'est doublé d'un scepticisme insurmontable. Il en est résulté une résistance, souvent même un goût pour l'attaque, envers toute idéologie qui prétend fixer des mesures absolues", avait expliqué celui qui fut aussi poète, dramaturge et dessinateur.

Sa réputation a été entachée en 2006 par les aveux tardifs, dans son autobiographie "En épluchant les oignons", de son engagement en 1944 dans les Waffen-SS. 

Son enrôlement à 17 ans fut celui d'un jeune d'un milieu modeste passé par les Jeunesses hitlériennes, qui voulait lutter contre le communisme. Il désirait rejoindre les sous-marins, et, faute de recrutement, se retrouva brièvement dans une unité SS dont il vécut la débandade. Il a appris l'Holocauste en captivité.

Né à Dantzig

Né en 1927 à Dantzig, devenue Gdansk dans l'actuelle Pologne, ville du fameux "corridor" à l'origine de l'invasion de ce pays en 1939, Grass est le fils d'une mère d'origine cachoube (minorité slave de Prusse) et d'un modeste commerçant allemand.

Après la chute du régime hitlérien, il connut l'errance dans l'Allemagne de l'année zéro, puis le miracle de la reconstruction dans une République fédérale anti-communiste et matérialiste.

Après un apprentissage de sculpteur, il séjourna à Paris dans les années cinquante et se décida pour une carrière d'écrivain. Il s'est engagé aux côtés des écrivains antifascistes du "Groupe 47" et du social-démocrate Willy Brandt.

Un réformiste contestataire

Dans l'Allemagne prospère des années 60, traversée par la contestation étudiante puis le terrorisme rouge, Günter Grass se voulait contestataire, mais dans un sens réformiste. Il prônait l'objection de conscience contre les euromissiles en Allemagne. En janvier 1993, il a quitté bruyamment le SPD, qu'il avait rallié en 1982, et dont il récusait des positions à ses yeux trop conservatrice. Cela ne l'empêcha pas de s'engager en 1998 en faveur du chancelier SPD Gerhard Schröder.

Grass n'aime pas son pays.

Le tabloïd "Bild" en 1995

Quand il publia en 1995 "Toute une histoire", critique de la Réunification allemande, le quotidien populaire Bild accusa : "Grass n'aime pas son pays". Sans les interventions dérangeantes de Grass, l'Allemagne serait différente, même s'il finit "parfois par nous taper sur les nerfs", a commenté une fois un célèbre critique allemand. "Je viens du pays où on a brûlé les livres", se justifiait Grass.

Dans son abondante oeuvre romanesque, avait estimé l'Académie de Stockholm lors de la remise du Nobel, Grass a entrepris "une vaste révision de l'Histoire en rappelant ce qui avait été nié et oublié: les victimes, les perdants et les mensonges que les gens veulent oublier parce qu'ils y ont cru un jour". Y compris quand il s'agit, pour cet iconoclaste, de s'attaquer, dans "En crabe" (2002), au sujet tabou des souffrances des réfugiés allemands chassés des territoires de l'Est par l'Armée rouge. 

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